Depuis le 6 juin dernier, des pharmaciens indépendants se regroupent pour communiquer d'une même voix et proposer une politique de prix alignés. Leur slogan: "Votre pharmacie aux prix alignés, les conseils en plus".
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En 10 jours, plus de 110 pharmaciens ont rejoint cette action imaginée par Laurent Staquet, pharmacien à Gouy-Lez-Piéton et par ailleurs initiateur des médicaments suspendus (voir notre édition du 10 février). En quoi ça consiste? Le patient se rend dans sa pharmacie et montre que le produit qu'il souhaite acheter bénéficie d'une promotion dans une parapharmacie, une autre pharmacie ou une pharmacie en ligne belge. Les pharmaciens participants s'engagent à aligner leur prix de vente sur cette promotion. Ensuite, grâce à la preuve apportée par le patient, ils s'adressent au laboratoire pour lui demander de compenser le manque à gagner."Dans ma pharmacie, j'aligne mes prix depuis deux ans, précise Laurent Staquet. Le but n'est pas de devenir des pharmacies low-cost, il s'agit simplement de répondre à une attente des patients pour qui les prix sont importants. On veut nous faire croire que les parapharmacies et les pharmacies en ligne sont nettement moins chères mais généralement, la différence de prix n'est pas énorme (15% en moyenne). C'est pourquoi je dis à mes patients qu'il est dommage de perdre toute l'expertise du pharmacien et les avantages qu'il propose c'est-à-dire la proximité, la disponibilité, l'accessibilité, les services et les conseils, pour de l'argent". En alignant ses prix sur la concurrence, le pharmacien peut continuer à apporter conseils et services aux patients tout en faisant en sorte que ces derniers s'y retrouvent financièrement. "Ce qui est très important c'est de se mettre à leur place". IncontournablesPendant cette pandémie, les commerces de proximité ont eu le vent en poupe et ce genre d'action rend la pharmacie de quartier incontournable. "Je ne veux pas que les gens viennent chez moi parce que je suis le moins cher mais parce qu'ils sont contents du service et du conseil. Le but n'est pas de démarcher de nouveaux clients mais plutôt de ne plus en perdre ou de récupérer ceux qui sont partis. On se recentre sur l'essence même du métier, certains ne le comprennent pas et me reprochent de brader notre diplôme. Je peux comprendre ce discours, malheureusement, la population veut tout: les services, les conseils... au prix le plus juste. D'autres me disent que ce n'est pas grâce à cela qu'on va s'en sortir: non, mais c'est un outil", explique-t-il. "Une grande majorité des pharmaciens appliquent déjà des remises et des ristournes, mais ils communiquent peu à ce propos, estime-t-il. Il n'est pas dans l'ADN du pharmacien de communiquer mais nous voulons mettre en garde nos patients contre une consommation non encadrée et les informer que les 'bons' prix ne sont pas l'apanage des groupes. Il est de notre rôle de rationaliser l'usage des médicaments et des compléments alimentaires en mettant en garde contre une surconsommation, un double emploi, un surdosage, une interaction, une contre-indication, ou en proposant une alternative moins onéreuse. Le médicament ou le complément le moins cher est celui que le patient ne prend pas!"Avec le sourire du pharmacienEn moyenne, la parapharmacie représente 10% du chiffre d'affaires des pharmacies classiques, dans des villages. "Donc, même si on doit faire 20% de remise sur la parapharmacie en permanence, ce n'est pas dramatique parce cela ne représente jamais que 2% de remise sur l'ensemble du chiffre d'affaires. C'est peut-être le prix à payer pour être tranquille par rapport à la concurrence: vendre un lait pour bébé à -30%, c'est sans doute vendre à perte mais il faut le voir comme un investissement", commente Laurent Staquet. "Le plus dur c'est d'accepter de vendre à perte avec le sourire! Le patient ne doit pas se sentir culpabilisé de venir avec la promotion d'une autre enseigne, donc il faut absolument que le pharmacien sourie. Si vous n'êtes pas prêt à le faire avec le sourire, ne le faites pas parce que cela pourrait être contre-productif". Objectif 200Actuellement, la moitié des fournisseurs a accepté le principe. "On a la chance que les délégués qui viennent voir les pharmacies de proximité ne sont généralement pas les mêmes que ceux qui vont dans les parapharmacies. Ils voient aussi leurs ventes s'effriter, donc ils sont prêts à faire un effort. Le propriétaire des laboratoires Tilmant m'a appelé en me disant que c'était une initiative qu'il attendait depuis longtemps et il m'a assuré qu'il serait derrière nous parce qu'il sait qu'on a l'obligation de le faire pour ne pas paraître pour des ringards par rapport à d'autres acteurs en face qui communiquent comme des dieux !"L'objectif visé était d'atteindre les 100 pharmacies, alors pourquoi ne pas rêver aux 200? La plupart des officines qui ont rejoint le mouvement se situent à Bruxelles et sur la dorsale wallonne, plutôt autour des grandes villes, là où l'on trouve de grosses parapharmacies. La liste des pharmacies participantes se retrouve sur la page Facebook publique "Votre pharmacie aux prix alignés" qui en dix jours a rassemblé plus de 700 personnes. "Je propose aux pharmaciens d'avoir un regard positif sur l'avenir. J'ai 39 ans, je ne peux pas me dire que jusqu'à la fin de ma carrière je vais être dans un milieu négatif, qui dit systématiquement que c'était mieux avant. Arrêtons cette boucle négative et transformons-la en ondes positives!", conclut Laurent Staquet pour qui l'effort consenti par les pharmaciens en alignant ainsi leurs prix doit aussi être interprété comme un remerciement pour la confiance que les patients continuent à leur accorder, tout en les impliquant dans la survie de leur pharmacie.