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Le timing est minuté : c'est ce lundi, à huit heures tapantes, que Medaxes, l'association pour des médicaments accessibles, diffuse son appel aux négociateurs gouvernementaux. Minuté, parce que c'est également ce lundi matin que les partenaires de la future coalition Arizona reprennent les négociations pour trouver un accord de gouvernement, en pause depuis le 3 août. On ne peut qu'espérer que le pentatôme Bart - Georges -Louis - Sammy - Maxime - Conner est aussi matinal que Medaxes car, comme le rappelle l'association, le défi pour le nouveau gouvernement est énorme : plus de neuf patients sur dix dépendent de médicaments de base.Alors que la N-VA agite à nouveau le spectre d'un accord qui prévoit des économies en santé, Medaxes estime qu'avant de penser à économiser de l'argent, il faut travailler à une gestion plus efficace des ressources dépensées. "Une révision de la gestion actuelle du budget des médicaments devrait être la priorité absolue du nouveau gouvernement", évoque Jasmien Coenen, directrice générale de Medaxes. "Qui dit efficacité, dit aussi démarcation claire des flux de dépenses. C'est la seule façon de prendre des mesures ciblées et d'effectuer un suivi précis."Actuellement, en Belgique, le portefeuille du budget des médicaments rassemble deux flux de dépenses différents: celui des médicaments innovants et celui des médicaments de base, gérés ensemble. "Cependant, ces deux segments vivent dans une réalité totalement différente et ont des besoins différents pour fournir au patient belge un approvisionnement durable", poursuit Medaxes. "C'est pourquoi nous prônons deux budgets distincts, un pour les médicaments innovants et un pour les médicaments de base. Des portefeuilles séparés permettront au gouvernement de mieux évaluer comment allouer les ressources le plus efficacement possible en fonction des besoins des patients."En soutien à sa proposition de scission du budget des médicaments, l'association agite un déséquilibre : les médicaments de base pourraient traiter 97 % des affections, alors qu'ils ne représenteraient que 40 % des dépenses de l'Inami. "Il devrait être logique, pour un responsable politique, de chérir les médicaments de base et de veiller à en garantir l'approvisionnement durable aux patients belges", explique Jasmien Coenen. "Or, c'est le contraire qui semble se produire aujourd'hui. En raison des nombreuses mesures d'austérité, des taxes élevées, des prix extrêmement bas des médicaments de base et des lourdes charges administratives, le gouvernement rend la tâche de plus en plus difficile aux entreprises qui commercialisent ces médicaments de base. Il est crucial que des initiatives concrètes visant à améliorer l'accessibilité et la disponibilité des médicaments de base ne soient pas absentes de la note de négociations sur les médicaments", conclut-elle.Scinder le budget des médicaments entre ceux de base et les nouveaux médicaments pourrait être une solution crédible. Il serait faux de croire que la panacée se limite à faire pencher la balance du budget total des médicaments plutôt en faveur des médicaments de base, au détriment des médicaments innovants. Car en matière d'accès à ces derniers, la Belgique obtient également une note insuffisante. C'est ce qu'il ressortait du dernier indicateur "WAIT" (Waiting to access innovative therapies), classement établi par Efpia, la Fédération européenne du secteur (bio)pharmaceutique. "L'indicateur WAIT montre clairement que la Belgique fait très mauvaise figure par rapport à de nombreux autres pays européens", regrette Caroline Ven, CEO de Pharma.be. "Sur les 168 médicaments autorisés par l'EMA entre 2018 et 2021, seuls 85, soit à peine 51 %, ont été remboursés dans notre pays." Entre-temps, ces chiffres ont encore empiré : seuls 46 % de ces médicaments ont été remboursés en Belgique pour la période 2019-2022 (voyez le rapport WAIT 2023, publié en juin 2024).La Belgique se classe désormais 16e sur 37 autres pays étudiés, alors qu'elle était 12e l'année précédente. En comparant la Belgique aux pays d'Europe occidentale, on constate donc que les patients belges ont nettement moins accès aux médicaments innovants que les patients des pays européens comparables. Pharma.be explique ce mauvais accès aux médicaments innovants par le fait que les entreprises demandent moins le remboursement de leur produit. L'association de l'industrie du médicament pointe, elle aussi, la grande complexité de la procédure, la faible probabilité de succès, et l'allongement des délais avant le remboursement effectif du médicament depuis sa mise sur le marché par l'EMA."Entre 2018 et 2021, il s'écoulait en moyenne 546 jours (565 jours pour le rapport 2023) entre l'autorisation de mise sur le marché et le remboursement effectif du médicament. Pas moins de 18 pays (20 pays pour le rapport 2023, NdlR) font mieux que la Belgique, dont, par exemple, nos voisins allemands, néerlandais, français, luxembourgeois et britanniques." Caroline Ven adresse donc, elle aussi, un appel au prochain gouvernement : "Nous l'appelons à prendre en compte les préoccupations de l'industrie dans la feuille de route afin qu'elle puisse constituer la base d'une réforme solide pour garantir aux patients en Belgique un accès rapide et durable aux médicaments innovants."Scinder en deux le budget des médicaments permettra-t-il d'éviter un perfide mécanisme de vase communicants? L'urgence semble en tout cas à l'augmentation du budget global des médicaments, de base et innovants. Alors que la Belgique dépense une partie de son budget égale (en proportion) à celle de ses voisins en matière de santé, elle dépense moins en médicaments que les autres pays européens. En moyenne, 14 % des dépenses de soins de santé sont consacrés aux médicaments dans l'Union européenne. La Belgique se situe 3 % en dessous de cette moyenne, à 11% (données 2021). "Il est frappant de constater que les pays où la part des dépenses de médicaments dans les dépenses de santé est la plus faible sont également les plus touchés par les pénuries de médicaments", soulevait Tom De Spiegelaere, healthcare budget advisor chez Pharma.be, en février dernier. "Ces pénuries peuvent entraîner des problèmes pour les patients concernés. Les faibles dépenses en médicaments réduisent l'espace budgétaire pour maintenir les médicaments sur le marché, mais aussi pour apporter de nouveaux médicaments innovants aux patients belges. Ainsi, les faibles dépenses en médicaments ont un coût substantiel."