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"En 1997, il y avait déjà eu une enquête semblable et on voulait voir s'il y avait eu une évolution dans la compliance des patients, parce que notre prise en charge, elle, a évolué, précise la Pr Florence Schleich, pneumologue au CHU de Liège. Or, on sait que la non adhérence va induire une mauvaise qualité de vie, un mauvais contrôle des symptômes, un risque plus élevé d'exacerbations, soit des visites aux urgences, des hospitalisations ou des cures de Médro®. Avant de coller à ces cas une étiquette d'asthme sévère, il faudrait vérifier s'ils prennent bien le traitement prescrit".Ces quatre spécialistes, Lieven Dupont (KUL), Charles Pilette (UCLouvain), Guy Joos (UGand) et Florence Schleich (ULiège), ont élaboré un questionnaire portant sur les traitements de fond et de secours, sur les peurs par rapport aux traitements, sur la compliance... "On a contacté des pharmacies dans tout le pays (Bruxelles, Wallonie et Flandre). 70 ont participé au recrutement des patients asthmatiques (plus de 15 ans, traités par corticoïdes inhalés) et leur ont distribué le questionnaire qui devait être complété à domicile et puis rapporté à la pharmacie ou renvoyé en ligne. Au total, 80 questionnaires ont été complètement remplis (sur 130 distribués) : c'est très peu mais, à un moment donné, on a décidé qu'il fallait quand même publier les résultats qui étaient intéressants ", indique la pneumologue.1Les résultats montrent que trois quarts des patients savent que le traitement de fond est utile pour prévenir les symptômes et empêcher les complications. "Environ 80% disent qu'il est bien toléré, 86% facile à utiliser. Ils savent aussi qu'ils doivent prendre leur traitement sur le long cours et que le traitement de secours ne doit pas être utilisé tous les jours. Par rapport à l'analyse faite en 1997, les résultats sont meilleurs aujourd'hui. Ils sont aussi similaires à ceux retrouvés dans la littérature", ajoute-t-elle.Cependant, un quart indique avoir peur des effets secondaires: "En consultation, on essaye d'expliquer que les corticoïdes inhalés ont très peu d'effets secondaires, parce qu'il y a peu de résorption. Le pharmacien le fait aussi puisqu'il y a une éducation thérapeutique en officine. Mais, je vois typiquement des jeunes filles à qui on a prescrit le traitement inhalé, qui sont effrayées parce qu'il s'agit d'un corticoïde, elles ont peur d'attraper des vergetures, de prendre du poids etc. "L'autre chiffre important c'est celui des 45% de patients qui ne sont pas adhérents à leur traitement de fond, ce qui se traduit par des réveils nocturnes plus fréquents et des restrictions des activités quotidiennes en raison de l'asthme. "On fait mieux qu'il y a 20 ans mais on sous-estime probablement encore la non adhérence. Les patients qui ont plus de 5 ans de traitement sont moins compilants que ceux qui ont un diagnostic depuis moins de 5 ans. Nous devons peut-être également focaliser notre attention sur les patients qui nous demandent souvent des prescriptions de traitement de secours parce que c'est certainement ceux qui ne sont pas compilants".En effet, un tiers des patients prend son traitement de secours beaucoup plus fréquemment que prescrit. "Souvent, ces patients-là sont moins adhérents à leur traitement de fond, ils préfèrent prendre leur traitement de secours parce qu'ils sentent directement son efficacité. Et pourtant, 80% sont bien éduqués et savent à quoi ça sert".Pour Florence Schleich, le manque d'adhérence procède à la fois d'un effet de lassitude, d'oubli et de peur des effets secondaires. L'une des solutions serait de rappeler au patient, à chaque délivrance de médicaments, l'importance du traitement et vérifier qu'il prend correctement son médicament inhalé. "Au fil du temps, des étapes sont oubliées : par exemple, l'erreur principale est d'oublier de vider les poumons avant la prise... On trouve sur le site de la Société belge de pneumologie2 des capsules vidéo qui expliquent chaque traitement et il existe aussi une application pour smart-phone"." Il laut donc vraiment continuer à éduquer les patients. On a par exemple encore 17% de fumeurs, ce qui est énorme. L'éducation doit viser l'importance du traitement de fond et l'usage du traitement de secours mais, il faut aussi aller plus loin et insister chaque fois sur l'importance d'une cessation tabagique dans ce type de pathologie chronique. Cette éducation renforcée est d'autant plus importante à l'ère des traitements biologiques très coûteux (700-2000?/mois/patient)".La pneumologue regrette de manquer d'informations sur l'adhérence. Raison pour laquelle elle plaide pour obtenir rapidement un partage des données avec les pharmaciens : "Par exemple, en voyant que, sur les 12 mois de traitement, un patient n'a pris que trois ou quatre inhalateurs, on sait qu'il ne souffre pas d'un vrai asthme sévère et on va plutôt réinsister sur l'importance du traitement de fond. Cela nous permettrait de faire moins 'd'erreurs diagnostiques' entre l'asthme difficile et le vrai asthme sévère où on peut proposer les traitements biologiques".Si la Pr Schleich appelle de ses voeux une meilleure collaboration avec les pharmaciens, elle souhaite bien sûr qu'elle ne soit pas à sens unique : "Ils doivent avoir accès au diagnostic du patient pour pouvoir proposer un entretien pharmaceutique et il faut les sensibiliser au fait que ces entretiens sont utiles. Aujourd'hui, on fait mieux qu'il y a 20 ans, mais ce n'est pas encore assez, il faut plus collaborer avec les pharmaciens et avoir accès aux données l'un de l'autre. L'INAMI prévoit ce partage dans les quatre années, cela paraît loin... Dans les pays où l'adhérence est meilleure, les médecins ont accès à ces données-là".Florence Schleich rappelle les messages clés : rassurer les patients sur les effets secondaires, répéter l'importance de la prise régulière du traitement de fond pour réduire les symptômes et les exacerbations, améliorer le contrôle et la fonction respiratoires, surtout chez les patients qui prennent ce traitement depuis longtemps. "C'est essentiel pour la qualité de vie des patients et pour une meilleure indication des traitements plus coûteux", conclut-elle.