Les pharmaciens flamands ne sont pas opposés à l'idée de délivrer des contraceptifs sans prescription, et ils sont prêts à suivre pour cela les formations nécessaires. Les médecins de famille et gynécologues restent plutôt frileux.
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C'est ce qu'il ressort d'une étude qualitative réalisée par pharmacienne Stephanie Nieuwinckel sous la supervision du Pr Hans De Loof (physiopharmacologie, UA) et récemment publiée dans l'European Journal of Contraception & Reproductive Healthcare.Les auteurs ont cherché à déterminer si une initiative lancée en 2016 dans l'État américain de l'Oregon était susceptible d'être implémentée dans notre pays. Dans le projet américain, des pharmaciens spécialement formés étaient autorisés à délivrer certaines formes de contraception hormonale sans prescription à des patientes de plus de 18 ans, après leur avoir soumis un questionnaire standardisé.L'étude réalisée par notre compatriote visait à explorer la position des pharmaciens, généralistes et gynécologues vis-à-vis d'un possible changement de la législation relative à la délivrance des contraceptifs dans le but de limiter le nombre de grossesses non désirées.En tout, 59 pharmacies, 26 généralistes et 19 gynécologues ont participé à l'étude par le biais d'un questionnaire et d'une interview.Il ressort des résultats que les officines délivrent régulièrement des produits de contraception d'urgence (pilule du lendemain), mais aussi que ce phénomène est plus marqué dans les zones urbaines qu'en milieu rural. Par ailleurs, huit pharmacies sur dix voient passer davantage de patientes en quête d'un contraceptif au cours de la garde et un peu plus de la moitié (53%) sont régulièrement confrontées à des questions sur les grossesses non désirées, surtout dans les villes ou les banlieues.Autre constat particulièrement marquant : 90% des pharmaciens interrogés avaient déjà délivré un contraceptif sans prescription, fût-ce le plus souvent à des patientes connues qui leur apportaient alors leur prescription par la suite et parfois après un coup de fil au médecin traitant. Certains acceptaient aussi de 'dépanner' en délivrant une seule plaquette, le reste de la boîte étant ensuite remis en échange de la prescription... et un petit nombre d'entre eux avouaient même délivrer des contraceptifs à des clientes fidèles sans prescription ultérieure.Il faut dire que l'obligation de consulter un médecin était citée par huit pharmaciens sur dix comme étant le plus grand obstacle à l'utilisation de la contraception, devant le coût, l'opposition des parents et la crainte des effets secondaires.Trois quarts d'entre eux se disaient disposés à suivre une formation pour pouvoir délivrer des contraceptifs sans prescription, par analogie avec ce qui se fait dans l'Oregon.Du côté des médecins de famille, environ un tiers des sondés étaient franchement opposés au concept mis en place aux États-Unis... ce qui signifie aussi qu'une majorité étaient prêts à l'envisager, mais uniquement sous certaines conditions. Une fraction non négligeable (38%) craignaient par exemple que la possibilité d'acheter la pilule en pharmacie sans prescription ne limite les soins préventifs dispensés aux patientes par leur médecin. Certains soulevaient également la question du respect de la vie privée, puisque le système prévoit que les patientes répondent à une série de questions à l'officine avant de recevoir leur contraceptif.Le tableau était assez similaire du côté des gynécologues, dont environ 44% étaient opposés à l'idée sur toute la ligne. Un tiers (31%) craignaient également qu'une telle évolution ne se solde par un recul des soins préventifs. Environ la moitié des répondants y étaient néanmoins assez favorables - fût-ce, là encore, sous conditions." Nous pouvons en conclure qu'un concept tel qu'il a été mis en pratique dans l'Oregon risque fort de se heurter, chez nous, à une certaine opposition de la part des généralistes et des gynécologues", concluent les investigateurs. "Il est important pour tout le monde de préserver ses revenus, mais il est clair que les prestataires de soins invoquent volontiers des arguments médicaux qui rejoignent leurs intérêts économiques. Modifier la législation sans tenir suffisamment compte de ces facteurs déboucherait sur des discours divergents vis-à-vis des patientes concernées, puisque chaque groupe professionnel mettrait l'accent sur des aspects médicaux différents. Une telle adaptation devrait donc prévoir les incitants nécessaires pour renforcer la collaboration entre prestataires dans l'intérêt de la santé des intéressées. "