Durant cette pandémie, les soignants ont été confrontés à des situations de stress et d'incertitude. Face à cela, plusieurs initiatives ont été mises en place pour les soutenir psychologiquement, que ça soit sous plateforme internet ou au sein de l'hôpital.
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Au CHC de Liège, la prise en charge psychosociale durant la pandémie s'est déroulé de différentes manières. Tout d'abord à travers des entretiens individuels. Laurie Marchal, psychologue clinicienne au CHC de Liège explique : " Le personnel a droit à cinq séances maximum et à un débriefing par équipe. " Un e-learning est également mis à la disposition du personnel expliquant les troubles anxieux et le stress post-traumatique. " Cette vidéo présente les différents troubles anxieux et propose ensuite un questionnaire dans lequel les personnes peuvent identifier leurs symptômes et se rendre compte s'ils ont besoin d'un entretien individuel ou pas. L'objectif est aussi de normaliser les symptômes car il est arrivé que des personnes me contactent pour exprimer leur sentiment d'angoisse, sans en connaître la cause. Il fallait donc les rassurer et normaliser la situation. "D'autres part, depuis le début de la pandémie, une équipe de garde de psychologues est disponible 24h/24 pour le personnel soignant . " Durant la crise, un(e) psy passait dans tous les services pour voir comment le personnel soignant se sentait. Actuellement cette garde continue mais uniquement de jour. A partir du mois de septembre, nous allons mettre en place des ateliers ressources (deux heures par mois) sur la gestion du stress, la reconnaissance au travail, l'affirmation de soi et d'autres thèmes. L'objectif est de pouvoir donner des outils personnels spécifiques au personnel concernant leur difficulté, de manière plus générale. "A la même période, une plateforme de soutien psychologique a été mise en place par Fanny Weytens, docteur en psychologie, pour le personnel soignant. Psyformed propose des rendez-vous gratuits avec des psychologues en (visio) vidéoconférence ou par téléphone. Yasemin Karadurmus et Laetitia Schul-Martin, toutes deux psychologues cliniciennes indépendantes, ont donné quelques consultations à titre bénévole pour cette plateforme. " Le bénévolat couvre quatre séances. Cela permet d'évaluer le degré de souffrance et de risque au niveau de la santé mentale. Si une prise en charge plus longue est nécessaire, alors l'appelant est orienté vers celle-ci. " " Les plus grandes difficultés qui m'ont été rapportées ", explique Yasemin Karadurmus , " sont tout d'abord le manque de reconnaissance et de moyens alloués au secteur hospitalier public. A cela s'ajoute un sentiment de déshumanisation des patients et du personnel par les instances décisionnelles. Il y a eu aussi certains effets d'un stress au départ adaptatif qui est ressenti sur le long terme. Cela peut se traduire par une grosse fatigue, un retrait émotionnel et de la somatisation, qui risquent de mener à un syndrome de stress post-traumatique chez beaucoup de soignants. Lorsqu'il y aura moins de patients hospitalisés, il faudra être le plus vigilant car " l'armure " risque de tomber et violemment. "" Nous avons eu beaucoup de cas de stress réactionnels par rapport à la situation de crise. Des personnes qui avaient des difficultés à rentrer chez elles et de profiter de leurs enfants ", complète Laurie Marchal. " La peur de parler de leur journée renforçait les idées qui venaient dans leurs têtes. Les troubles du sommeil, de l'appétit et de l'humeur étaient des symptômes très récurrents. J'ai pu observer un épuisement physique aussi, dû à la dynamique de cohésion d'équipe dans laquelle il ne faut pas flancher et il faut faire des heures. "Laetitia Schul-Martin souligne que " les difficultés exprimées par les soignants ont évolué en fonction de la situation sanitaire. Dans un premier temps, ils faisaient part d'un besoin d'être soutenus par rapport au stress généré par la situation, tant au niveau professionnel que privé. Le stress est dû à un sentiment d'insécurité, d'urgence et d'impossibilité d'anticiper tout ce qui allait se passer. Il s'agissait de la période de début de la pandémie. Ils savaient qu'ils allaient devoir faire face à une importante crise sanitaire, d'une nature nouvelle et dont la durée et l'ampleur étaient inconnues. Les nouveaux protocoles, les changements d'équipe, l'adaptation des horaires, l'aménagement des services ont demandé une énorme capacité d'adaptation. Le stress était nécessaire pour faire face à cette situation nouvelle. Dans un deuxième temps, les soignants étaient pris dans la gestion de la crise. Ils étaient alors sous l'effet de l'adrénaline en décrivant parfois des ' nuits et des journées dans une ambiance cataclysmique '. La peur d'être soi-même contaminé et la crainte de la contamination de sa propre famille revenaient très fréquemment. Une certaine panique face à la vitesse de la dégradation de certains patients et le sentiment d'impuissance face au nombre de morts. " " Dans les conséquences qualifiables de post- traumatiques que j'ai pu entendre, il y avait surtout des flashbacks, des cauchemars par rapport à tel ou tel patient ou par rapport à certaines scènes de soins intensifs ", rapporte Yasemin Karadurmus . " Il y aussi eu une hyperactivité et hyper vigilance qui restent permanentes, même à domicile ainsi qu'une altération de la cognition et de l'humeur. Le confinement en lui-même a causé une grande insécurité en plus des conditions de travail difficiles. Tout cela peut donc mener à termes à des arrêts de travail importants et prolongés, car certains soignants basculeront dans des signes pathologiques nécessitant du temps pour disparaître. D'autres ne voudront simplement plus exercer ce métier qui pourtant était souvent leur vocation. "