Vous souhaitez nouer une collaboration avec un autre pharmacien qui viendrait travailler un (ou plusieurs) jour(s) par semaine dans votre officine sous statut d'indépendant. Un tel montage est-il possible ? Et que risquez-vous si les autorités considèrent que les modalités de cette collaboration font de votre collègue un faux indépendant ?
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Si vous souhaitez engager un autre pharmacien pour travailler dans votre officine, une première possibilité est de conclure avec lui un contrat de travail. Vous pourriez toutefois aussi envisager une collaboration sur base indépendante... mais dans ce cas, il sera important de veiller à ce que son statut de " vrai " indépendant ne puisse pas être contesté, car cela pourrait vous coûter cher ! Que faut-il savoir à ce sujet ?Si vous voulez faire appel aux services d'un indépendant, sachez tout d'abord qu'une présomption légale est explicitement inscrite dans la loi relative aux contrats de travail. Celle-ci stipule en effet que " tout pharmacien exerçant une activité professionnelle dans une officine ouverte au public est réputé, jusqu'à preuve du contraire, se trouver dans les liens d'un contrat de travail d'employé vis-à-vis de la personne physique ou morale propriétaire ou locataire de l'officine ".Cette disposition ne rend pas pour autant impossible la signature d'une convention de collaboration sous statut d'indépendant avec un autre pharmacien, puisque la présomption inscrite dans la loi est dite " réfutable ", ce qui signifie que vous avez la possibilité d'apporter la preuve qu'elle ne s'applique pas dans ce cas spécifique. Pour cela, vous devrez pouvoir démontrer que le pharmacien avec qui vous travaillez n'est pas placé sous votre " autorité " et qu'il n'est donc pas question entre vous d'un lien hiérarchique.Vous êtes malgré tout décidé à nouer une collaboration indépendante avec un pharmacien ? Il sera important en première instance de signer avec lui une convention écrite qualifiant votre collaboration d' " indépendante ". Mieux vaut, pour la rédiger, vous faire encadrer par un professionnel (p.ex. avocat).Veillez également à ce que les modalités concrètes de votre collaboration montrent clairement qu'il n'est pas question d'une relation d'autorité. Plusieurs critères permettront d'en juger. Le premier est la liberté dans l'organisation du travail ; évitez donc, dans la convention qui vous lie, toute description trop précise de la mission et des tâches du pharmacien indépendant. Veillez également à ce qu'il ait le loisir d'organiser son travail à sa guise et ne soit pas forcé d'être présent à l'officine à des moments bien définis ; donnez-lui par exemple le droit de refuser d'être présent certains jours de la semaine et ne mentionnez pas non plus d'obligation, pour lui, de vous demander votre accord pour prendre congé.Évitez également une rémunération mensuelle " fixe " au profit d'une facturation en fonction des prestations (en convenant p.ex. d'un tarif par heure effectivement prestée). Un autre point important est de ne pas faire figurer dans votre convention de clause de non-concurrence et de permettre au pharmacien indépendant de travailler également pour d'autres clients.Pour réfuter la présomption d'existence d'une convention de travail, vous pourrez p.ex. mentionner la facturation de prestations irrégulières et/ou le fait que vous n'avez pas imposé d'heures de travail précises à votre collaborateur indépendant, qu'il peut décider librement de ses congés, etc. Vous pourriez aussi invoquer la présence, dans la convention, d'une clause spécifiant qu'il doit certes vous informer en cas d'absence, mais sans pour autant devoir se justifier. Si la réalité du statut indépendant du pharmacien avec qui vous travaillez est sujette à discussion, c'est le tribunal qui aura le dernier mot.Si les autorités estiment que votre collaboration est en réalité une forme de salariat déguisée, cela risque de vous coûter très cher.Tout d'abord, l'ONSS pourrait vous réclamer des cotisations sociales sur la rémunération que vous versez au pharmacien. Vous risquez dans ce cas de devoir vous acquitter des arriérés de cotisations patronales (+/-35 %) et sociales (13,07 %) sur les sommes déjà payées, majorées des intérêts et d'une amende forfaitaire de 10 %. Sachant que l'ONSS peut vous réclamer ces sommes de manière rétroactive, vous vous doutez que l'addition peut rapidement devenir très salée.Le pharmacien faux indépendant lui-même pourrait également faire valoir certains droits et vous réclamer par exemple une indemnité de licenciement si vous décidez de mettre un terme à votre collaboration, mais aussi un pécule de vacances, un treizième mois et peut-être même une assurance-groupe ! Il pourrait également vous demander de lui rembourser les prestations sociales qu'il a dû verser en tant qu'indépendant.Enfin, en tant qu' " employeur " d'un " faux indépendant ", vous risquez également des sanctions pénales ou une amende administrative.