Au musée Maillol, une exposition présente plus d'une centaine d'oeuvres d'art naïf, dont le Douanier Rousseau semble l'inventeur. L'expo permet de découvrir ses dignes héritiers...
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Créé par Dina Vierny qui fut la dernière muse du sculpteur, le musée Maillol ne pouvait être meilleur endroit pour accueillir cette exposition, puisque sa créatrice, juive, résistante et amatrice d'art, découvrit notamment l'oeuvre d'André Bauchant durant la guerre. Elle acquiert ensuite la collection d'art naïf de Wilhelm Uhde, marchand, collectionneur, critique d'art et découvreur de Séraphine Louis qui était en fait sa femme de ménage !Parmi les oeuvres présentées (en provenance des grands musées français et d'institutions suisses et allemandes) chacun parait avoir sa spécialité et sa thématique de prédilection : Séraphine justement qui confine à l'art brut, réalise des bouquets remarquables, violemment colorés, torturés dans leur immobilité, mouvants et magnifiques.Le maître du genre naïf, le Douanier Rousseau qui précède ses suiveurs de près de trente ans, excelle lui dans les " paysagesportraits " comme il les appellent, descriptions imaginaires d'un bestiaire exotique dont s'inspireront Bauchant ( Oiseaux exotiques) ou Ferdinand Desnos par exemple ( Sangliers au clair de lune). C'est dans l'imaginaire que le premier excelle, plus que dans ses natures mortes qui, imitant la réalité, paraissent anecdotiques, même si l'expo les décrit presque comme surréalistes. Ah bon...Autre " grand genre " de Rousseau, le portrait voire l'autoportrait que Picasso chérit, et inspire Desnos (dans son portrait de Paul Léautaud en 53) ou Jean Eve pour son autoportrait en 36 : s'entrechoquent le visage et le paysage environnant comme dans le grand portrait en pied de Madame M en 1890 par Henri Rousseau, l'un des cinq présents du Douanier dans l'expo.Lorsqu'il s'agit de décrire la mer, c'est Dominique Peyronnet qui excelle, dans sa façon japonisante qui rappelle Hokusaï de décrire les flots, lesquels acquièrent une épaisseur de diorama.Naïf ne veut pas dire niais dans le cas des nus de Camille Bombois, lascifs dans leur description de femmes en chair dénudées voire d'une fillette habillée, d'une lolita à la poupée, relevant du fantasme érotique. Parmi les neuf artistes présentés, Rimbert est celui qui décrit au mieux la ville, ses rues, parfois vue d'une fenêtre : celle ouverte sur les toits qui arbore en médaillon La jeune fille à la perle de Vermeer évoque un autre Hollandais Vincent van Gogh et sa Chambre à Arles.Et si c'était lui le premier naïf ?