Imaginée par la Cité des Sciences de Paris, "Darwin l'original", présentée à la Cité Miroir de Liège, conte avec force écrans la vie et l'oeuvre de l'auteur de la révolution scientifique et copernicienne dans les sciences du vivant du 19e siècle.
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Exposition itinérante (on doute qu'elle voyage aux États-Unis...), Darwin l'original se veut un condensé... original des découvertes du grand Charles, mais vues surtout au travers de son existence, de ses antécédents, ses aventures, ses expérimentations.Au travers d'objets, un peu, de tables tactiles surtout, d'interactions ludiques ou de vidéos voire de ravissants dioramas !, le visiteur prend, dans un parcours assez court et pourtant riche d'informations, le sillage de ce navire amiral de la science moderne, au travers de son voyage de cinq ans à bord du Beagle, qui le mènera notamment aux Galapagos.Mais elle met aussi en exergue, comme dans la théorie de l'évolution, l'environnement dans lequel le jeune Darwin évolue : une Angleterre en pleine révolution industrielle, un empire colonial qui voit son grandpère maternel Wedgewood, des fameuses porcelaines, s'élever contre l'esclavagisme, lui-même naissant au sein d'une dynastie de médecins, métier que Charles n'exercera, s'évanouissant à la première dissection. L'on découvre notamment que pendant son immense périple maritime, Darwin, le bien né, va dévorer des ouvrages comme les voyages de von Humboldt, ce qui l'amène lui-même à devenir un fervent défenseur de l'empirisme... plutôt que de l'Empire (britannique).Devenu abolitionniste devant les traitements dont sont l'objet notamment les Noirs et dont il est témoin dans les colonies, les éléments récoltés au cours de son périple de cinq ans vont former et construire peu à peu son best-seller, qu'il publiera 17 ans après son retour en 1859. C'est que, de retour au pays et installé à Down House dans le Kent, il expérimente encore, cultive des plantes exotiques, se livre à des expériences, en compagnie, entre autres, de ses enfants.Menacé par la publication antérieure de ses résultats par Alfred Russel Wallace et poussé par ses amis, le reclus sort enfin son livre, à propos duquel il écrit à un ami " c'est comme commettre un meurtre " : il s'y oppose notamment aux théories du révérend William Paley pour qui l'adaptation parfaite des êtres vivants placés de façon judicieuse est la preuve de l'existence de Dieu. En effet, le retentissement est énorme...Marié à sa cousine germaine qui lui donne dix enfants dont deux meurent en bas âge, la mort de sa fille Annie à dix ans et la naissance d'un garçon trisomique le pousse à écrire La filiation de l'homme, moins connu, mais tout aussi important, et qui replace l'humain dans le règne animal en introduisant en corollaire de la sélection naturelle, celle sexuelle.Un jeu interactif, présenté dans une borne de l'exposition, permet de distinguer par exemple si chez le paon la roue, et chez le cerf les bois, relèvent de l'une ou l'autre sélection.Même si certaines de ses erreurs, compréhensibles au regard des instruments dont Darwin disposait sont corrigées, notamment quant à la filiation de l'archéoptéryx (dont la reproduction du fossile est présentée, désormais plus dinosaure que premier oiseau), son enseignement se révèle toujours d'actualité, même s'il est amendé, voire visionnaire s'agissant de son ouvrage L'expression des émotions chez l'homme et les animaux (citons encore parmi ses nombreuses publications six livres consacrés aux plantes qui font montre chez lui d'une véritable préoccupation pour le sort réservé à la nature).Parmi l'évolution de sa théorie, un élément révélé dans la partie consacrée au Darwin intime est sa maladie contractée durant son voyage sous les tropiques : on soupçonne aujourd'hui qu'il s'agirait de la maladie de Chagas (inoculée par une araignée qui se loge sous la peau). L'obligeant durant les crises à rester cloîtré, elle le contraint à rédiger encore et encore, afin de rendre sa théorie révolutionnaire inattaquable, ou du moins la moins critiquable possible, ce qu'elle fut bien sûr.Sa publication fut d'ailleurs l'objet de trahison par son cousin Francis Galton qui détourna la loi de la sélection naturelle à ses monstrueuses fins eugénistes. Et bien sûr par les capitalistes d'hier et les ultralibéraux d'aujourd'hui pour justifier le struggle for life alors que dans les espèces comme l'homme, mais pas seulement, Darwin insistait au contraire sur les notions de sociabilité, d'adaptabilité, de coopération et d'empathie pour expliquer son succès.Plus que la loi du plus fort, chez Darwin, l'union fait la force... à force de loi.