Depuis l'entrée en vigueur de la directive européenne sur les médicaments falsifiés, le 9 février 2019, les spécialités soumises à prescription et remboursables doivent être pourvues de dispositifs de sécurité qui seront contrôlés à chaque maillon de la chaîne de distribution. L'an prochain sera en outre implémentée une procédure d'alerte (full alert procedure), qui ne permettra plus d'ignorer la notification des erreurs.
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La directive européenne sur les médicaments falsifiés (FMD) remonte à 2011 déjà. Son objectif est d'éviter que des médicaments contrefaits ne se retrouvent dans les circuits de distribution légaux. Son intérêt a été démontré dans les années qui ont suivi, lorsque du faux oméprazole a fait son apparition sur le marché allemand, explique Jean-Pierre Engels, directeur général de la BeMVO, l'asbl responsable de la gestion du système de vérification national de notre pays. "Cet incident à donné un sérieux coup d'accélérateur. En 2016 a été publié un règlement délégué - l'équivalent européen d'un arrêté d'exécution - stipulant qu'un système de vérification européen devait être mis en place dans un délai de trois ans." Le conseil d'administration de la BeMVO inclut des représentant de tous les stakeholders - producteurs, grossistes, officines publiques (via l'APB et l'Ophaco) et pharmacies hospitalières (via l'ABPH-BVZA). Le système de vérification repose sur un code matriciel bidimensionnel unique apposé sur chaque conditionnement par le fabricant ou l'importateur parallèle. Il comprend le code technique du fabricant, le numéro du lot (ainsi que sa date d'expiration) et un numéro unique par conditionnement. Ces codes sont chargés et enregistrés dans un registre central. Le pharmacien scanne systématiquement le code matriciel avant de délivrer un conditionnement au patient. Les données scannées sont ensuite transmises au registre, qui vérifie que le code est valide et actif. Jean-Pierre Engels précise que cette recherche prend en moyenne 20 millisecondes, même si le temps nécessaire pour que le résultat s'affiche dépend évidemment aussi de la vitesse de la connexion internet du pharmacien. Si le code ne peut pas être vérifié, le pharmacien reçoit une alerte (avertissement) qui peut être de différents types. "Si le numéro de lot ou de série est inconnu, la possibilité existe qu'il s'agisse d'un produit contrefait. Il peut toutefois aussi être question d'une erreur humaine ou d'un problème technique, p.ex. parce que le conditionnement a été "désactivé" lors de la délivrance à un autre patient, qui s'est finalement ravisé. Dans ce cas de figure, la boîte doit être "réactivée" avant de pouvoir être délivrée au client suivant." Procédure de vérification ou pas, le pharmacien reste à tout moment responsable de ce qu'il délivre, souligne Jean-Pierre Engels. "Même s'il n'est pas nécessaire de placer le conditionnement en quarantaine, il doit utiliser ses connaissances professionnelles pour juger s'il peut le délivrer en toute sécurité. Au moindre doute, il est de sa responsabilité de demander un contrôle plus approfondi à la BeMVO voire éventuellement à l'AFMPS." Lors du lancement du système, en 2019, une proportion conséquente des codes scannés générait un message d'erreur. "Cela pouvait s'expliquer par différentes causes: un fabricant qui avait oublié de charger ses codes dans le système, un dysfonctionnement du scanner ou du logiciel... Nous avons travaillé dur pour résoudre ces problèmes structurels", se souvient Jean-Pierre Engels. Et non sans succès: aujourd'hui, à peine 0,05% des codes scannés provoquent une alerte (0,03% chez les pharmaciens d'officine), ce qui correspond à 500-600 alertes par jour, dont 300-400 dans les officines publiques. "En moyenne, cela représente environ une alerte par semaine et par pharmacie... mais lorsqu'on examine la situation sur un mois, environ 60% des pharmaciens n'en ont reçu aucune. C'est une petite minorité qui continue à générer des alertes multiples. Les pharmaciens reçoivent donc tous les jours un e-mail avec un aperçu des alertes, leur contenu et les mesures qu'ils peuvent envisager pour résoudre le problème", explique le pharmacien Michael Storme, vice-président de la BeMVO. "Nous nous efforçons de fournir un maximum d'informations sur la manière dont les pharmaciens doivent réagir à une alerte par le biais de notre site web et de nos lettres d'information", souligne Jean-Pierre Engels. "Nous collaborons aussi avec les fournisseurs de logiciels pour pharmacies, qui jouissent d'une certaine liberté pour s'assurer que ces alertes soient claires, visibles et explicites." Dans le futur, réagir aux alertes ne sera plus facultatif, explique Michael Storme. L'AFMPS planche en effet sur une "full alert procedure" qui devrait être implémentée courant 2023. "À partir de ce moment, en cas d'alerte, le pharmacien sera tenu de garder le conditionnement en quarantaine jusqu'à ce que la situation puisse être résolue. Parfois, cela peut aller relativement vite, par exemple lorsqu'il est question d'un conditionnement désactivé qui n'a pas encore été réactivé. Par contre, si la cause de l'alerte ne peut être trouvée ni chez le pharmacien ni chez le fabricant, le produit sera considéré comme une possible contrefaçon. La procédure à suivre dans ce cas de figure reste toutefois à définir, et on ne sait pas encore non plus ce qu'il adviendra des conditionnements suspects ou qui devra assumer les conséquences financières. Néanmoins, nous voudrions d'ores et déjà lancer un appel à tous les pharmaciens: si vous recevez une alerte, cherchez-en la cause plutôt que de l'ignorer. Ne vous dites pas que cela n'a pas importance. Bientôt, ce sera capital!"