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C'est certes avec bienveillance que l'on conseille aux médecins d'envisager le diagnostic de crise cardiaque lorsqu'une patiente se présente à la consultation avec des symptômes atypiques, comme une sensation de faiblesse ou de la dyspepsie. Dans la revue The American Heart Association, Ferry et al. sont pourtant très clairs : les 2.000 patientes qu'ils ont observées et ayant subi une crise cardiaque présentent aussi souvent les symptômes classiques que les hommes (92% contre 91%).Les auteurs de l'étude rappellent que les recherches autour de la symptomatologie de la crise cardiaque ont souvent lieu rétrospectivement, avec toutes les imprécisions que cela implique. Ils ont suivi un protocole très rigoureux aux urgences d'un hôpital écossais. Les patients chez qui l'on soupçonnait une syndrome coronarien aigu ont détaillé leurs symptômes au personnel infirmier. Conformément aux dernières directives de l'ESC/AHA, des seuils liés au genre ont été appliqués lors du dosage de la troponine I (> 34 ng/L chez les hommes, > 16 ng/L chez les femmes).Ferry et al. ont utilisé un tableau standardisé pour classer les symptômes. Le schéma typique consistait en des douleurs au niveau du thorax, du bras ou de la mâchoire, avec des spécificités que l'on pourrait qualifier de sensation de lourdeur ou d'étau. Des douleurs atypiques ont bien été constatées au niveau de l'estomac ou du dos, qualifiées de brûlantes, accompagnées de picotements ou similaires à celles d'une indigestion. Une série de symptômes supplémentaires, également habituellement qualifiés de typiques, ont été constatés : rayonnement de la douleur (dans le bras droit ou gauche, la mâchoire, le cou et/ou le dos), nausées, transpiration abondante, détresse respiratoire et palpitations.Le diagnostic définitif d'infarctus a été posé par deux cardiologues, avec l'arbitrage d'un tiers en cas de désaccord. Pour appuyer leur diagnostic, les médecins se sont basés sur le tableau clinique, les valeurs de troponine (avec des mesures en série si nécessaire), l'ECG et éventuellement des examens complémentaires.L'infarctus du myocarde a été diagnostiqué chez 16% des hommes et 12% des femmes. Les symptômes classiques se retrouvaient plus souvent chez les femmes que chez les hommes (77% versus 59% ; p=0,007). La douleur typique avait la même valeur prédictive d'infarctus chez les hommes que chez les femmes, mais la présence de plus de trois symptômes typiques constituait un pronostic plus fort chez les femmes que chez les hommes.En bref, non seulement les femmes présentent aussi souvent une douleur thoracique typique que les hommes, mais concentrent également une série de symptômes totalement fiables pour poser le diagnostic. Les auteurs de l'étude déplorent que les textes de consensus prennent encore souvent le raccourci de lier l'infarctus à un schéma atypique de symptômes chez les femmes. Les chercheurs ne sont d'ailleurs pas les seuls à le penser. D'autres études réalisées dans des urgences étaient également arrivées à la conclusion que la douleur thoracique typique survenait aussi fréquemment chez les deux sexes.Il est dès lors important de procéder à une anamnèse poussée. Ferry et al. insistent sur la présence plus fréquente de symptômes complémentaires dans la population féminine (rayonnement, etc.), constatation d'ailleurs déjà formulée dans de précédentes recherches. On pense que ces symptômes rendent l'anamnèse difficile et détourne le médecin des autres symptômes plus typiques. Voilà qui expliquerait le mythe du tableau clinique atypique.