La résistance aux antimicrobiens pousse à chercher des stratégies pour combattre les infections sur les plaies et brûlures. Parmi les alternatives envisagées figure le miel et ses propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, antibactériennes et... cicatrisantes.
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Le miel, en raison d'une forte concentration en sucre, constitue un milieu hyperosmotique aux propriétés antimicrobiennes. Il contient également des molécules inhibant la croissance bactérienne, telles que le peroxyde d'hydrogène. Sa viscosité et ses qualités hygroscopiques lui permettent de se répartir de façon homogène sur le fond des plaies créant un environnement favorable à la cicatrisation des tissus", résume la Revue médicale suisse (2010 ;246). Le tableau sera complet si l'on ajoute que le miel a une faible propension à la résistance bactérienne. Des essais cliniques à grande échelle doivent encore être menés, mais il existe un intérêt considérable et de nombreuses études de cas qui démontrent les avantages du miel médicinal, en particulier dans la cicatrisation des plaies. (1) Lors du 21e Congrès de Nutri- et Phytothérapie (2), le Pr Kasper Münstedt, gynécologue à l'Ortenau Klinikum (Allemagne), s'est attardé sur l'apithérapie et notamment sur l'utilisation du miel pour traiter les plaies, les brûlures, les ulcères du pied diabétique... Il s'est référé à différentes revues systématiques comme celle de Cochrane (3) qui a évalué les effets du miel par rapport à d'autres pansements et traitements topiques sur la cicatrisation de plaies aiguës (brûlures, lacérations...) et/ou chroniques (ulcères veineux, pied diabétique...). "Il est difficile de tirer des conclusions générales concernant les effets du miel comme traitement topique des plaies, mais il semble guérir les brûlures d'épaisseur partielle plus rapidement (en 4 à 5 jours de moins) que les traitements conventionnels (film de polyuréthane, gaze de paraffine ou imprégnée de soframycine, liniment stérile ou exposition de la brûlure, il y avait cependant peu de preuves par rapport à la sulfadiazine d'argent) et les plaies post-opératoires infectées plus rapidement que les antiseptiques et la gaze", résument les auteurs en estimant qu'il est difficile d'en tirer des conclusions générales étant donné l'hétérogénéité des études. Concernant la cicatrisation des plaies du pied diabétique, le miel semble être une approche thérapeutique sûre et rentable en plus des soins standards. Une méta-analyse montre en effet que le pansement au miel raccourcit efficacement le temps de débridement de la plaie, de cicatrisation et d'élimination des bactéries et qu'il augmente le taux de cicatrisation et le taux d'élimination des bactéries au cours de la première ou des deux premières semaines d'utilisation. "Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour élucider ces résultats afin que cette forme de traitement puisse être largement appliquée", estiment les auteurs. (4) Une revue systématique a évalué les effets du miel par rapport aux pansements à la sulfadiazine d'argent sur la cicatrisation des plaies de brûlures. Les principaux critères d'évaluation étaient le temps de cicatrisation et le nombre de plaies infectées rendues stériles. Les auteurs montrent qu'il existe une différence statistiquement significative entre les deux groupes, en faveur du miel. Les données disponibles suggèrent que les pansements au miel favorisent une meilleure cicatrisation des plaies que la sulfadiazine d'argent pour les brûlures, en revanche, le soulagement de la douleur était similaire avec le miel ou l'argent. Ils concluent néanmoins que l'absence de preuves de haute qualité ne permet pas de justifier l'utilisation systématique du miel dans la pratique clinique. (5) Malgré plusieurs essais, revues systématiques et méta-analyses, le miel n'est pas considéré comme un candidat viable pour la prophylaxie et le traitement de la mucite buccale, effet indésirable induit par la radiothérapie ou la chimiothérapie, dans les directives pour les soins oncologiques de soutien. Karsten Münstedt et ses collègues ont analysé 17 essais randomisés où les sujets avaient reçu une radiothérapie ou une combinaison de radiothérapie et de chimiothérapie pour un cancer de la tête et du cou. Résultats? "Le miel conventionnel est susceptible d'être efficace dans la prophylaxie et le traitement de la mucite buccale induite par la radiothérapie et la chimiothérapie. Alors que le miel de Manuka n'est pas aussi bon qu'on le croyait, on décourage les gens d'utiliser ce miel coûteux et on les encourage à chercher du miel chez l'apiculteur local. Ces données suggèrent que le type de miel peut expliquer les résultats divergents des essais dans ce domaine", a précisé le Pr Münstedt. (6) En 2020, la Multinational Association of Supportive Care in Cancer/International Society of Oral Oncology (MASCC/ISOO) a mis à jour ses directives pour la gestion de la mucite buccale. Cette décision a suivi une revue systématique de la littérature relative aux divers traitements de la mucite buccale et notamment ceux à base de miel, de plantes, de stimulants salivaires et de probiotiques. Parmi les agents examinés, une recommandation favorable a été faite pour le miel (administration topique et systémique combinée), mais pas pour le chewing-gum. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier le potentiel d'autres interventions. (7) "Je pense que l'apithérapie est intéressante et devrait être envisagée notamment quand on manque de ressources", a souligné le spécialiste allemand tout en mettant en garde vis-à-vis de certaines pratiques non rationnelles.