Les composés perfluorés ou PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), largement utilisés au quotidien, peuvent accroître le risque de diabète chez les femmes d'âge moyen. Une diminution de l'exposition à ces produits chimiques omniprésents pourraient avoir un impact substantiel sur la santé publique.
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Ustensiles de cuisine anti-adhésifs, matériaux hydrofuges et anti-taches (GoreTex), emballages alimentaires, moquettes, mousses anti-incendie, cires, vernis, peintures, nettoyants et même cosmétiques: les PFAS constituent un groupe de plus de 4.700 produits chimiques synthétiques. Mis au point dans les années '40, ils sont largement utilisés dans l'industrie et se retrouvent dans une foule de produits du quotidien. Dans ces molécules, la chaîne d'atomes de carbone est liée à un ou plusieurs atomes de fluor, et l'extrême stabilité de ces liaisons carbone-fluor rend les PFAS très résistants à la décomposition. Ils s'accumulent donc dans l'environnement et... dans les corps humains et animaux où ils persistent pendant de longues années. Voilà pourquoi ils sont qualifiés de "produits chimiques éternels". De plus, de nombreux PFAS ont une structure moléculaire qui ressemble à celle des acides gras naturels, leur conférant des propriétés diabétogènes potentielles. Ils pourraient en effet interagir avec les PPAR, les récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes, qui agissent comme facteur de transcription des gènes impliqués notamment dans le métabolisme et l'adipogenèse, et perturber leur comportement régulateur. C'est ainsi que les PFAS pourraient influencer le risque de diabète. Des études expérimentales in vitro suggèrent en effet que l'exposition aux niveaux élevés de PFAS trouvés chez certains humains peut interférer avec la fonction PPAR, entraînant une production accrue de cellules graisseuses, des changements dans le métabolisme des graisses et des sucres, et des réponses inflammatoires anormales. Enfin, d'après des données récentes sur les effets possibles de ces produits chimiques sur la santé, l'exposition à certains d'entre eux peut être associée à la pré-éclampsie, à la modification des niveaux d'enzymes hépatiques, à l'augmentation des graisses dans le sang, à la diminution de la réponse des anticorps aux vaccins et à l'insuffisance pondérale à la naissance, bien que les relations de cause à effet n'ont pas encore pu être établies. Des chercheurs américains ont conduit une sous-étude dans le cadre de l'étude SWAN (Study of Women's Health Across the Nation), une étude de cohorte américaine axée sur la santé des femmes autour de la ménopause et qui a recruté 3302 participantes préménopausées (42 à 52 ans), aux Etats-Unis en 1996-1997. L'étude SWAN-Multi-Pollutant (SWAN-MPS) a été lancée en 2016 pour évaluer le rôle des polluants environnementaux dans les maladies chroniques pendant et après la transition ménopausique. Sung Kyun Park et ses collègues ont analysé les échantillons de sang et d'urine de 1400 des participantes à l'étude SWAN, collectés à partir du troisième suivi (1999-2000). Ces échantillons ont été testés pour détecter la présence de produits chimiques environnementaux, dont sept PFAS. Ils ont suivi 1237 femmes (âge médian 49,4 ans) de 1999-2000 à 2017 et ont recensé 102 cas de diabète incident, soit un taux de 6 cas pour 1000 années-personnes. Par rapport aux participantes restées indemnes de la maladie, celles qui ont développé un diabète étaient plus susceptibles d'être noires, de venir d'une région plus défavorisée sur le plan socio-économique, moins éduquées, moins actives physiquement, d'avoir un apport énergétique plus important et un IMC plus élevé au départ. L'équipe a constaté que l'exposition combinée aux 7 PFAS différents était associée à un risque augmenté de diabète par rapport à celui observé avec les composés individuels. Les femmes les plus exposées aux 7 substances étaient 2,62 fois plus susceptibles de développer un diabète que les moins exposées, tandis que l'augmentation du risque associée à chaque PFAS individuel allait de 36% à 85%, ce qui suggère un effet additif ou synergique potentiel de ces substances sur le risque de diabète. Selon les auteurs, l'augmentation du risque évaluée à 2,62 fois est à peu près équivalente à celle attribuée au surpoids par rapport au poids normal, et même supérieure à celle des fumeuses par rapport aux non-fumeuses. "Cette étude soutient l'hypothèse selon laquelle l'exposition aux PFAS, individuellement et sous forme de mélanges, peut augmenter le risque de diabète chez les femmes d'âge moyen. Bien que l'on ne connaisse pas l'ampleur réelle de l'effet chez les hommes et dans d'autres populations non incluses dans l'étude, si ces résultats sont également applicables aux hommes ainsi qu'aux individus de tous âges et de toutes origines ethniques, quel que soit le lieu, alors environ 370.000 cas (environ 25%) sur les 1,5 million d'Américains nouvellement diagnostiqués diabétiques chaque année pourraient être attribuables à l'exposition aux PFAS. Ces résultats suggèrent que ces produits chimiques pourraient être un facteur de risque important pour le diabète et avoir un impact substantiel sur la santé publique", estiment les auteurs. "Compte tenu de l'omniprésence des PFAS, la réduction de l'exposition à ces produits chimiques rémanents (notamment via l'eau potable et les produits de consommation), même avant d'atteindre la quarantaine, pourrait constituer une approche préventive essentielle pour réduire le risque de diabète", concluent les chercheurs qui invitent les cliniciens à être conscients de ce facteur de risque méconnu du diabète et à être prêts à conseiller leurs patients sur les sources d'exposition et les effets potentiels sur la santé.