En officine ou à l'hôpital, des pharmaciens sensibilisés à la question du durable réfléchissent aux actions à mettre en oeuvre pratiquement pour réduire l'empreinte écologique de la pharmacie.
...
Une pharmacie zéro déchet, est-ce possible? Dans le Hainaut, et plus précisément à l'Uphoc (Union pharmaceutique du Hainaut occidental et central), la réflexion est en route. La rentrée y prend des couleurs plus vertes puisque cette union a décidé de s'attaquer au durable en mettant en place un groupe de travail pour réfléchir à 4 thématiques: énergie et bâtiment, achats et déchets, transport et livraisons et enfin, personnel et patientèle (bien-être). "Un pharmacien du comité directeur de l'Uphoc connaissait un projet canadien intitulé 'Maillon vert' proposant aux entreprises des pratiques en développement durable. Il regrettait que la vision 2025 du pharmacien de l'APB ne compte pas d'aspect écologique. Nous nous sommes dit qu'il fallait mettre quelque chose en place et nous avons créé un groupe de travail pour réfléchir avec quelques pharmaciens à la façon d'avoir une attitude plus écoresponsable au sein de l'officine. On parle souvent de ce qu'on peut faire à domicile mais il y a peut-être aussi des conseils à donner au niveau de la pharmacie et, plus on creuse, plus on trouve de choses à faire, plus de pistes à suivre", explique Jean-Pol Cirriez, responsable de ce projet pilote à l'Uphoc, avec Isabelle Defrance (pharmacienne et coach). Lors de l'enquête préalable, une trentaine de pharmaciens se sont montrés intéressés par ce projet 'pharmacie éco+responsable'. Finalement, neuf vont participer aux premières réunions. Six sont planifiées entre octobre et juin 2023: la première et la dernière en présentiel, et 4 webinaires en ligne sur les 4 thématiques retenues (novembre, janvier, mars et mai). "Dès octobre, on réunit les 9 pharmaciens pour leur expliquer le but du projet et les outils déjà à disposition. Trois de ces pharmacies font par exemple déjà un diagnostic carbone proposé par Sowalfin. Nous attendons ces premiers bilans carbone pour proposer ensuite cet outil aux autres pharmacies. Nous conseillons aussi à nos pharmaciens le site français nosgestesclimat qui permet de calculer son empreinte carbone. En France, certaines pharmacies vendent par exemple des produits en vrac pour la parapharmacie". Le bilan carbone est une première démarche vers l'écotransition. "L'idée est de lancer des pistes et que les pharmaciens fassent des changements dans leur officine et voient ce que ça donne. Suite aux conclusions des deux premières réunions, nous comptons (sans doute dès 2023) lancer un service d'aide vers une vision écoresponsable de la pharmacie", précise Jean-Pol Cirriez. À l'hôpital aussi la pharmacie se veut plus verte. La transition vers un développement plus durable fait alors partie d'une démarche globale. A Bruxelles, HCWH Europe coordonne ainsi un nouveau projet, 'Greening the Brussels Healthcare Sector' qui vise à renforcer les connaissances et les capacités du personnel de santé sur des sujets tels que le changement climatique, l'économie circulaire et l'alimentation durable. Il travaille avec six hôpitaux pilotes (Chirec, CHU St-Pierre, CHU Brugmann, Cliniques de l'Europe, St-Luc, Hôpital universitaire de Bruxelles) pour les aider à élaborer des plans d'action en matière de durabilité. Aux Cliniques de l'Europe, un groupe de travail, appelé 'Green Europe', se réunit ainsi une fois par mois autour des questions écologiques, la pharmacie en fait bien sûr partie. Premier élément visé: le plastique . "On en utilise beaucoup à la pharmacie. Pour la distribution des médicaments aux patients, on va abandonner les sachets plastiques pour passer au papier. Il y a quelques désavantages (le papier n'est pas transparent, il peut se déchirer...) mais on trouve que le bénéfice pour l'environnement est plus important. Il faut savoir que seuls 10% du plastique est recyclé au niveau mondial", souligne la pharmacienne Éline Coene. "En 2023, les Cliniques de l'Europe vont construire une nouvelle pharmacie, nous allons essayer d'y inclure les pratiques écoresponsables: faciliter les flux de déchets, améliorer leur tri, choisir les appareils les plus durables... Utiliser des alternatives plus écoresponsables, par exemple pour le matériel disposable, demande du temps parce qu'il faut d'abord les trouver, et puis les tester et les approuver". La pharmacie et le service maternité ont sélectionné un set "bébé" composé de produits certifiés bio, sans parfum et vegan. Un autre projet consiste à récupérer et recycler les gaz anesthésiants grâce à des canisters composés de charbon et de noix de coco: "La firme Baxter propose un canister à brancher sur le tube du respirateur pour récupérer l'air expiré par le patient, afin qu'il ne se retrouve pas dans la pièce. Nous serons le premier hôpital en Belgique à utiliser cette technique développée à l'origine pour les vétérinaires qui castrent les cochons. Nous devons encore revoir les études parce que nous devons faire attention au 'greenwashing' et nous assurer que le cycle total de ces produits dits 'plus écologiques' représente réellement un intérêt", met-elle en garde. Enfin, la pharmacie des Cliniques de l'Europe aimerait limiter les déchets médicaux B2 (objets tranchants, contaminés par des virus/bactéries, cytostatiques...) "parce qu'ils sont incinérés et que cela coûte cher... C'est un défi pour tous les hôpitaux", reconnaît Éline Coene.