Des spécialistes poussent un cri d'alarme et invitent à passer à l'action pour préserver les plantes médicinales des menaces que le dérèglement climatique fait peser sur leur existence et leur qualité.
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L'altération des conditions environnementales influence la distribution de nombreux organismes qui se dirigent vers des latitudes ou altitudes plus élevées, ce qui accroît la pression sur les espèces préexistantes ; d'autres espèces sont incapables de migrer ; pour d'autres encore, ce sont les relations avec les pollinisateurs et les organismes commensaux qui sont perturbées. Si les populations d'insectes ont déjà connu une forte baisse, les hivers chauds sont aussi responsables de l'augmentation des populations d'insectes nuisibles (scolytes...). Les cultures deviennent plus vulnérables aux agents pathogènes, y compris les champignons producteurs de mycotoxines, menaçant à la fois la sécurité alimentaire et la qualité à court et long terme des aliments de base.Les plantes de haute altitude sont dans le collimateur parce que les changements climatiques devraient être plus sévères dans les montagnes de l'hémisphère nord. En effet, si elles sont dépassées par des espèces d'altitude inférieure, elles n'auront 'nulle part où aller'. Alors que pour d'autres, cette migration vers le nord et en altitude sera la seule pierre de salut.Or, beaucoup d'espèces médicinales sont traditionnellement réputées pour être plus puissantes lorsqu'elles sont collectées en haute altitude comme par exemple le bush tea ( Athrixia phylicoides D.C.), la camomille ( Matricaria chamomilla L.), et l'arnica ( Arnica montana L.).Les plantes médicinales des zones arides sont dans une situation encore plus délicate étant donné l'extrême vélocité du changement climatique dans ces zones compromettant la migration compensatoire. Il en va ainsi du déclin des populations sauvages de Glycyrrhiza uralensis Fisch., très utilisées en médecine chinoise. Traditionnellement récoltée dans le nord de la Chine, elle est désormais classée comme espèce protégée. La cultiver n'est pas une solution parce que la richesse en composés actifs (acide glycyrrhizique, liquiritine) est alors bien inférieure à celle des racines sauvages matures. D'exportatrice majeure, la Chine est devenue importatrice, compromettant en retour les populations de cette plante sauvage dans d'autres pays (Uzbekistan, Kazakhstan, Pakistan, Afghanistan)." L'augmentation des extrêmes environnementaux et les pertes économiques dues au dérèglement climatique devraient nuire à la santé publique dans de nombreuses régions du monde. Cela pourrait contribuer à accroître la souffrance humaine et les décès évitables si des mesures ne sont pas prises rapidement. L'idéal serait un renversement des tendances actuelles ", notent les auteurs qui, conscients de l'inertie politique actuelle, encouragent les efforts d'adaptation qui pourraient déjà être faits. Ils avancent, par exemple, la promotion de la culture locale, la préservation des savoirs traditionnels sur les plantes et leur utilisation durable, la formation des cueilleurs aux pratiques durables, des programmes de surveillance de la qualité des matières premières et de conservation à grande échelle, y compris pour la protection de l'habitat." La recherche phytochimique régionale et les programmes de contrôle de la qualité du contenu des biomarqueurs des plantes médicinales économiquement importantes, en particulier des espèces alpines, permettraient d'identifier les altérations de leur contenu et de leur qualité. Ceci afin d'informer les consommateurs et les fabricants si les modes d'emploi devaient être ajustés ", préviennent-ils." En dernier recours, une migration assistée et des banques de graines ex situ pourraient être essentielles pour empêcher l'extinction mondiale permanente d'espèces utiles, mais nous insistons sur le fait que ces mesures ne réduiront pas les dommages causés aux communautés humaines actuelles ", concluent ces chercheurs.