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Stress et fatigue ont tendance à s'accumuler. Dans certaines circonstances, il serait intéressant voire vital de pouvoir quantifier le niveau de stress et de fatigue, ainsi que la charge mentale des individus. Par exemple, chez les pilotes de l'air parce que les erreurs humaines sont la première cause d'accident d'avion. Ainsi, l'équipe du Pr Bertrand Blankert, du laboratoire d'analyse pharmaceutique de l'UMons, participe à Biovoc, un projet transdisciplinaire impliquant notamment des collègues travaillant dans la métrologie du langage et la toxicologie. Leur but est d'enregistrer la voix d'un pilote d'avion, de l'analyser et de déterminer, à partir de celle-ci, s'il est capable de contrôler son avion et ceci, par l'entremise de biomarqueurs spécifiques du stress et de la fatigue.On décèle dans la voix plein de choses qui sont le témoin des particularités physiologiques d'une personne : les signaux de la voix se modifient quand on est fatigué, stressé, en surcharge cognitive, explique-t-il. Notre équipe les a étudiés dans une situation complexe, comme celle d'un pilote d'avion : il est appelé à faire beaucoup de tâches simultanément et il est toujours en contact avec la tour de contrôle par la voix. Notre objectif est de mettre en évidence des modifications dans la voix du pilote par rapport à un événement comme un moteur qui brûle... "La stratégie consiste à démontrer la corrélation entre les changements dans la parole et des données physiologiques du niveau de stress, de fatigue mentale et de charge de travail, telles que des biomarqueurs salivaires et le profil métabonomique* de la salive.Pourquoi la salive ? " La prise de sang n'est pas envisageable, l'urine non plus. La seule qui est facilement prélevable dans le cockpit, c'est la salive. Nous avons donc essayé d'y mettre en évidence des marqueurs du stress. Après, il a fallu mettre en parallèle les transformations du signal voix et voir si elles étaient corrélées à ces marqueurs salivaires du stress ".Le stress induit-il des transformations dans le profil métabonomique ? Le 3-Methoxy-4-hydroxyphenylglycol ou MHPG, principal métabolite de la norépinéphrine, est un bon candidat pour étudier le stress et l'état émotionnel parce que sa concentration salivaire est liée au niveau plasmatique et augmente en situation de stress.Les chercheurs se sont notamment basés sur une approche métabonomique qui donne une vue d'ensemble des réactions de dégradation des composés organiques au cours du métabolisme. Pour suivre l'évolution des métabolites salivaires quand un sujet est placé en situation de stress, ils ont collecté des échantillons chez des volontaires soumis au TSST (Trier Social Stress Test) pour induire un stress psychosocial et ils ont comparé l'évolution des profils métabolomiques des sujets avant et après le test. Les premiers résultats ont montré une variation de ces profils après la phase de stress du test et un retour au profil initial après les 30 minutes de la phase de repos.Entre autres développements, ces travaux doivent se poursuivre dans un simulateur d'avion. " Nous aimerions mettre au point un système qui pourrait détecter dans un avion qu'il se passe quelque chose parce que la voix du pilote a changé : un événement qu'il ne peut pas communiquer, soit parce que son copilote fait un infarctus, soit parce qu'un pirate est entré dans la cabine... ", ajoute le Pr Blankert.En fait, l'aspect biologique, le biomarqueur, sert à valider l'aspect métrologique du langage. Il s'agit d'enregistrer dans un ensemble de signaux de métabolites endogènes, des variations de ceux qui sont présents de manière continue dans le sang, mais où le stress peut engendrer une modification de la signature. Celle-ci intéresse les chercheurs parce qu'elle marque le stress à un moment précis. L'outil final ne consistera plus en un test salivaire, il s'agira d'un software réagissant aux variations dans le signal voix qui auront été validées par le test biologique et qui pourraient indiquer un stress, une surcharge cognitive ou l'état de fatigue du pilote.Le biomarqueur présent dans la salive (MHPG) est connu dans le stress et a déjà été impliqué dans d'autres indications comme la dépression. A l'époque, le cas du pilote dépressif de la Lufthansa qui a provoqué le crash de son avion dans les Alpes avait particulièrement frappé l'équipe du Pr Blankert : " Quand on est dépressif, on a aussi son signal voix qui est différent. Grâce à l'outil que nous essayons de mettre au point, on pourrait peut-être éviter ce genre d'accident ".