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En Belgique, deux types de médicaments sont remboursés par l'assurance soins de santé obligatoire - depuis 2002 - contre la maladie d'Alzheimer : les inhibiteurs de cholinestérase et, dans un genre totalement différent, la mémantine.La Mutualité chrétienne, s'appuyant sur les précisions du Centre belge d'information pharmacothérapeutique (CBIP), constate que " la place de ces médicaments dans la maladie d'Alzheimer est limitée : il n'y a pas d'arguments en faveur d'un effet neuroprotecteur ou préventif sur le développement de la maladie d'Alzheimer ". Elle ajoute que : " rien ne permet de montrer qu'ils améliorent la qualité de vie des patients ni qu'ils postposent le placement dans une institution spécialisée. Par contre, ces médicaments présentent fréquemment de nombreux effets indésirables : nausées, diarrhées, incontinence urinaire... C'est pour ces raisons d'ailleurs qu'en France, ces médicaments ont été retirés du remboursement par la sécurité sociale en août 2018. "La Mutualité chrétienne a également constaté des différences inexplicables en matière de prescription au niveau géographique. " En Flandre, le pourcentage d'utilisateurs s'élève à 19% contre 14% en Wallonie et moins de 11 % en Région bruxelloise. Avec des variations importantes aussi entre provinces : la consommation la moins élevée se situe dans le Hainaut (8% d'utilisateurs) et la plus forte dans les provinces de Namur et du Luxembourg (environ 20%). Dans 57% des cas, c'est le neurologue qui est à la base du traitement. "Or l'utilisation de ces remèdes a un coût pour l'Inami : environ cinq millions d'euros par an, selon la Mutualité chrétienne, qui plaide dès lors pour mettre partiellement fin à ce remboursement - tout en permettant aux utilisateurs actuels de continuer à en bénéficier." Notre mutualité a d'ailleurs entamé une procédure en ce sens auprès de la Commission de remboursement des médicaments de l'Inami ", précise Jean Hermesse. " La somme économisée pourrait être consacrée à l'accompagnement des personnes atteintes de démence et, pourquoi pas, à la recherche scientifique visant à trouver des alternatives aux médicaments actuels ", ajoute-t-il.Le Dr Catherine Magnette, gériatre au CHR de Namur, qui utilise régulièrement ces deux types de thérapies insiste sur le fait qu'il n'y a, hélas, aucune alternative. Elle souligne que l'EMA ( European Medicines Agency) a adopté en 2018 un nouveau guideline concernant les thérapies visant la maladie d'Alzheimer. " Elle préconise d'essayer un anti-cholinestérasique face à un patient Alzheimer. La revue Cochrane a résumé récemment 30 études démontrant qu'il y a tout de même une amélioration nette au niveau cognitif et au niveau de l'autonomie du patient. Ils nuancent à propos du fait que ce sont des études de qualité moyenne car ce ne sont pas des études faciles à faire. On constate donc que dans la littérature, on parle d'effets positifs... "Pour le Dr Magnette, le déremboursement n'est pas une bonne idée. " Par contre, il faut rester dans du raisonnable et ne pas commencer à prescrire à tire-larigot. Donner un anti-cholinestérasique pour une démence vasculaire, cela n'a pas beaucoup de sens. Donc il faut que le diagnostic soit bien posé. Il est nécessaire de faire un ECG pour exclure des contradictions au niveau du rythme cardiaque et au niveau de la conduction. De même si la personne perd du poids, s'alimente moins bien, on arrête le traitement. On sait bien que ce n'est qu'une partie du traitement. L'accompagnement des soignants et des proches notamment est fondamental : le lieu de vie, le cadre de vie... "Le Dr Magnette rappelle que la recherche patine un peu. " Apparemment, il n'y a pas grand-chose dans les pipelines. On a parlé de vaccins mais plus rien ne filtre. Par contre, cela m'interpelle lorsque la Mutualité chrétienne estime que 'cela n'a aucun effet préventif'. Bien sûr ! Ce n'est pas le but du médicament. Cela dépend des outcomes. On ne va pas guérir la maladie d'Alzheimer avec ces médicaments. Personne n'a dit cela ! Le but est de freiner la maladie. "Quant à la mémantine (cas à part, car il s'agit d'une molécule différente), on l'emploie lorsqu'il y a des troubles de comportement, pointe la gériatre. " Cela nous évite d'utiliser des neuroleptiques qui ont des effets secondaires nettement plus graves que les anti-cholinestérasiques. "Quid d'allouer les cinq millions de remboursement à la recherche pour des médicaments plus performants ? " Difficile de répondre. Cinq millions d'euros est un montant négligeable. Ils pourraient financer l'aide à domicile, l'hospitalisation de jour, les centres spécialisés. L'idéal serait de rationaliser la prescription et pas de dérembourser le tout... "