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L'onychomycose (OM) est une infection mycosique très fréquente du lit de l'ongle et de l'ongle. Chez les personnes plus âgées, le risque est plus élevé, avec une prévalence de 20-50% > 60 ans 1. Souvent, elle est considérée comme un problème purement cosmétique, qui ne requiert pas de traitement. Or, elle peut avoir une influence de taille sur la qualité de vie 2. Ainsi, certains patients peuvent ressentir de la honte ou avoir des craintes relatives à l'hygiène ou de contaminer d'autres personnes. Si elle est non traitée, elle peut entraîner des douleurs et de l'inconfort à la marche, mais aussi des infections bactériennes secondaires. Le risque d'infection est plus élevé en cas d'ongles affaiblis ou détachés, de pieds mal aérés et d'hygiène des pieds insuffisante. En outre, les patients atteints de psoriasis, ayant un système immunitaire affaibli (diabète de type 2, VIH) ou une mauvaise circulation périphérique présentent également un risque accru 3. Dans 85-90% des cas, les dermatophytes en sont la cause 1. Ces champignons vivent sur la kératine et préfèrent les environnements sombres et humides. C'est probablement pourquoi les ongles des orteils sont plus souvent touchés. Ces ongles ont aussi une croissance plus lente et une circulation sanguine moindre que ceux des doigts. Parfois, d'autres champignons ou levures (surtout les Candida) peuvent aussi en être la cause. L'infection du lit de l'ongle entraîne la formation d'une hyperkératose. L'ongle est déformé, ce qui peut conduire à une décoloration, un effritement et/ou un détachement de l'ongle. Dans la littérature, cinq types d'onychomycose sont décrits. ? La forme la plus fréquente est l'onychomycose sous-unguéale disto-latérale, caractérisée par l'apparition d'une kératine jaune entre l'ongle et le lit de l'ongle, le détachement de l'ongle et l'infection de la peau autour (paronychie). ? L'onychomycose blanche, superficielle se caractérise par des plaques crayeuses sur la partie dure de l'ongle (la tablette), qui peuvent se répandre sur la totalité de l'ongle. Parfois, on retrouve aussi des bandes blanches linéaires. La surface peut devenir plus rugueuse et friable. ? L'onychomycose endonyx est caractérisée par des taches blanches laiteuses sans hyperkératose sous-unguéale. Elle touche principalement les ongles des doigts. ? L'onychomycose sous-unguéale proximale est assez rare et touche souvent (mais pas exclusivement) des patients VIH. Le champignon arrive via la racine de l'ongle puis s'étend de manière distale. Une décoloration blanche avec paronychie et un léger écoulement purulent sont aussi caractéristiques. ? Enfin, l'onychomycose dystrophique totale est la forme la plus avancée, qui touche la tablette, le lit de l'ongle et sa matrice. Un oedème chronique au niveau de la phalange distale est possible, avec un ongle jaune-brun et très déformé. Cette forme est rare et est surtout provoquée par des Candida, souvent chez des patients avec un système immunitaire affaibli 4. Malgré que les mycoses des ongles puissent présenter des anomalies très caractéristiques, elles peuvent aussi s'inscrire dans le cadre d'autres affections telles que le psoriasis, le lichen plan, de l'eczéma ou des infections bactériennes. Un diagnostic différentiel est donc souhaitable. Les pharmaciens peuvent poser des questions par rapport à la durée de l'affection, l'existence d'affections cutanées, un traumatisme à l'ongle, des douleurs et un impact éventuel sur les activités quotidiennes (par ex. : se promener, se tenir debout). Idéalement, l'onychomycose est confirmée à l'aide du microscope et d'une culture. Le diagnostic comporte toutefois un pourcentage de faux négatifs de quelque 30% 4. Dans les cas suivants, les patients devraient être référés au médecin généraliste ou au podologue : ? infection de > 2 ongles ou de > 50% de l'ongle ? dystrophie de l'ongle ? pas d'onychomycose sous-unguéale disto-latérale/doutes sur le diagnostic ? groupes à risques ? grossesse ou allaitement ? < 18 ans ? traitement infructueux C'est un réel défi parce que tuer un champignon prend du temps et qu'un ongle abîmé grandit à peine. En raison des effets secondaires du traitement oral, peser les avantages et les inconvénients d'un traitement est un point important de discussion. Le risque de réinfection est de 22% après 3 ans 5. Etant donné que la pénétration des antimycotiques locaux dans la totalité de l'ongle est difficile, ils sont généralement inefficaces contre les mycoses des ongles. Ils peuvent être utilisés en monothérapie pour une onychomycose sous-unguéale disto-latérale limitée (< 50% d'atteinte de la tablette + pas d'atteinte de la lunule), une onychomycose blanche ou en cas de contre-indication des antimycotiques systémiques 6. Le vernis ciclopirox 8% (1x/j pour 12m), le vernis amorolfine 5% (2x/sem pour 6-12m) et le vernis miconazol 20mg/ml peuvent être utilisés. Les ongles doivent être limés préalablement. La terbinafine est recommandée pour les dermatophytes, tandis que l'itraconazol est recommandée pour une infection mixte avec des levures. La durée de traitement est d'au moins 3 mois, avec un pourcentage de réussite de 50-80%. Ces médicaments sont toutefois déconseillés en cas de maladies du foie, de grossesse ou d'allaitement. En outre, des effets secondaires se manifestent relativement souvent (par ex. céphalées, prurit, perte du goût, plaintes gastro-intestinales, fatigue, troubles de la fonction hépatique) 5, 7. Les patients doivent recevoir des conseils concernant les soins des pieds et le fait qu'ils doivent éviter si possible des environnements chauds et humides. Ainsi, les ongles doivent être toujours coupés court (couper droit et désinfecter le coupe-ongle), les pieds doivent être lavés, séchés et tenus au frais. Les chaussettes, les chaussures et les essuies ne peuvent être partagés et il ne faut pas marcher pieds nus afin d'éviter une réinfection. Les chaussures doivent être bien adaptées et pouvoir bien aérer. Les chaussettes en coton sont donc de ce point de vue également recommandées. Enfin, l'utilisation d'un talc dans les chaussures et sur les pieds chaque fois après les avoir lavés est aussi recommandée 1.Références 1. Ameen M et al. Br J Dermatol 2017 ; 171 : 937-958. 2. Milobratoviç D et al. Mycoses 2013 ; 56 : 3. Westerberg DP et al. Am Fam Physician 2013 ; 88 : 762-770. 4. Yau M et al. Pharm J 2018 ; 301 : DOI : 10.1211/PJ. 2018.20205630. 5. Hartman TCo, van Rijswijk E. BMJ 2008 ; 337 : a429. 6. Gupta AK et al. J Am Acad Dermatol 2000 ; 43 : S70-S80. 7. NHG-standaard Dermatomycosen 2008. https://richtlijnen.nhg.org/