Comment manger équilibré ? Pour aider le consommateur à s'y retrouver, les autorités belges ont décidé d'instaurer le Nutri-Score. Un logo validé scientifiquement qui, en 5 lettres et 5 couleurs, informe sur la valeur nutritionnelle des aliments.
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Lors du 10e congrès de la Société belge des médecins nutritionnistes (SBMN)*, la Dr Anne Boucquiau (Fondation contre le cancer et membre fondateur de la SBMN) est venue parler des avantages et limites du Nutri-Score récemment adopté dans notre pays : " L'objectif est de simplifier l'information nutritionnelle pour les consommateurs, pour qu'ils puissent facilement savoir si un produit est bon pour la santé ou pas ".Ce logo, placé sur la face avant des emballages alimentaires, représente une échelle de 5 lettres et 5 couleurs : du A au E, du vert au rouge, du plus au moins sain. Adopté en 2016 en France, il a ensuite essaimé dans d'autres pays (Suisse, Autriche, Portugal, Espagne, Pays-Bas, Luxembourg...) et est arrivé en Belgique en 2019. " L'arrête royal de mars 2019 stipule que le Nutri-Score est un logo nutritionnel volontaire pour les acteurs de l'agroalimentaire, avec un cahier des charges à respecter. Lorsqu'ils s'engagent à l'utiliser pour une ou plusieurs de leurs marques propres, cet engagement doit porter sur l'ensemble des denrées alimentaires qu'ils mettent sur le marché belge, sous ces marques ".Il concerne tous les aliments transformés (à l'exception des aliments pour les moins de 3 ans) et ne s'applique donc pas aux fruits et légumes, viandes crues et découpées, miel..., ni aux produits transformés par maturation, ni aux eaux, ni aux plantes aromatiques, ni au sel et aux édulcorants.Comment se calcule-t-il ? Un algorithme prend en compte certains éléments nutritionnels à favoriser (teneur en fruits et légumes, en protéines et en fibres) et d'autres à limiter (quantité d'énergie, d'acides gras saturés, de glucides simples et de sel), la valeur est donnée par 100 g ou 100ml de produit." On a critiqué le Nutri-Score parce qu'il a des limites. C'est vrai et je pense que l'important c'est de les connaître et, en tant que professionnel de santé, de les compléter et de les expliquer aux patients. Il faut garder raison : un logo simple qui intégrerait 100% des infos à connaître serait utopique ", insiste-t-elle.De quelles limites parle-t-on ? " Le Nutri-Score n'intègre pas la taille des portions, ni ce que va devenir le produit après préparation, ni les additifs alimentaires, ni le mode de culture, d'élevage ou d'abattage (pesticides, respect du bien-être animal ? ...), ni l'aspect durabilité... Il faut connaître toutes ces limites pour savoir quelles informations apporte le Nutri-Score et celles qu'il faudra trouver ailleurs ".Une autre limite est qu'il s'agit d'un logo apposé sur base volontaire par le secteur agroalimentaire. " Mais il y a un effet positif : comme ce Nutri-Score est aussi un argument marketing, certains acteurs revoient leurs recettes pour pouvoir améliorer ce score. Il y a donc un double effet positif qui est de pouvoir informer le consommateur et de pouvoir influencer le secteur agroalimentaire pour proposer des produits plus sains ", fait remarquer la Dr Boucquiau." Ce logo n'est pas sorti de nulle part, il a fait l'objet de nombreuses validations scientifiques, explique-t-elle. Il vient de France, mais il est basé sur le score nutritionnel de la FSA créé par la Food Standards Agency du Royaume-Uni ".Les validations ont porté sur son intérêt pour la santé et la prévention des maladies chroniques et sur la facilité d'utilisation pour la population. " On a comparé ce logo à d'autres pour voir lequel influençait le plus les consommateurs. Une de ces études (2017) a comparé l'influence de 5 logos différents sur des volontaires dans un magasin expérimental : on a observé que le panier était plus équilibré avec le Nutri-Score qui était le logo le plus lisible. Plus important encore : il était également lisible par les personnes dont les revenus mensuels étaient inférieurs à 2000a par mois. Or, on sait qu'il y a un gradient selon les inégalités sociales en matière de surpoids et d'obésité. Pouvoir informer cette population plus fragilisée est donc très important pour nous ", ajoute-t-elle.Une autre étude (2018) a évalué la lisibilité du logo dans plusieurs pays (France, Espagne, Danemark, Allemagne, Grande-Bretagne, USA, Bulgarie, Mexique, Argentine, Australie et Singapour). Des volontaires ont rempli des questionnaires en ligne pour classer les aliments en fonction des logos. " Ici aussi, le grand gagnant a été le Nutri-Score qui semblait le plus limpide pour toutes ces populations très différentes ".L'autre aspect fondamental qui devait être établi concerne la validité du Nutri-Score en terme d'impact sur la santé. Dans des grandes études épidémiologiques observationnelles (SUVIMAX, 6400 sujets suivis 13 ans ; NutrinetSanté, 46.000 sujets suivis 6 ans ; EPIC, 524.000 sujets suivis 15,4 ans), le score FSA a été mis en lien avec les aliments consommés : plus il est élevé, plus les aliments sont " mauvais " sur le plan des maladies chroniques. Les résultats montrent une corrélation importante entre un mauvais Nutri-Score global dans les questionnaires alimentaires et l'augmentation du risque de différentes maladies : SUVIMAX, +34% de risque de cancers, + 61% pour les maladies cardio-vasculaires et l'obésité, +43% pour le syndrome métabolique ; Nutrinet : +40% pour les MCV, + 52% pour le cancer du sein ; EPIC, augmentation nette de tous les types de cancer. " Ces études de cohorte montrent une relation entre le fait d'avoir un panier alimentaire avec un Nutri-Score défavorable et l'augmentation des maladies chroniques ", résume la nutritionniste." Ce logo est simple à utiliser pour aider les patients à faire des choix alimentaires plus sains, mais il ne dispense pas de leur expliquer la portion, l'équilibre de l'assiette, pourquoi les fruits et légumes n'en portent pas... Ce n'est pas une solution miracle mais c'est un outil validé. Il y a donc un intérêt à rendre le Nutri-Score obligatoire, il aura beaucoup plus de sens lorsque l'ensemble des produits transformés seront obligés de l'apposer sur l'emballage. Des associations de consommateurs ont lancé des pétitions pour le rendre obligatoire dans toute l'Union européenne, mais la Fevia fait un travail de lobbying pour que ce logo reste volontaire... Je crois en la pression des consommateurs pour voir ce dossier avancer ", conclut Anne Boucquiau.