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Pendant la crise sanitaire, le rôle des pharmaciens a été mis en lumière. En juillet et août, le Comité directeur de l'APB a fait le tour des partis politiques et a rédigé deux notes rappelant la contribution des pharmaciens pour plus d'efficience dans les soins et proposant un plan d'action. " Notre message au monde politique c'était de leur dire que nous sommes des professionnels de santé facilement accessibles et largement sous utilisés ! On propose des actions concrètes faciles à mettre en oeuvre sur l'ensemble des trois axes qui sont la base du développement professionnel : la prévention, l'orientation et le suivi pharmaceutique. Le retour est assez positif ", précise Alain Chaspierre, secrétaire général de l'APB. L'axe prévention vise la contraception et la vaccination (voir page 5). Le premier, le remboursement autonome et sans prescription de la pilule du lendemain, est une réalité depuis le 10 septembre. " Ce n'est pas anodin, pour la première fois, le pharmacien peut délivrer un médicament et avoir le remboursement sans prescription médicale. Ce système pourrait être utile dans le contexte d'une crise comme celle du Covid pendant laquelle les pharmaciens ont avancé des médicaments remboursés. A terme, on ira sans doute vers une prescription par traitement : il ne serait pas inimaginable qu'un médecin prescrive pour une durée et que le pharmacien délivre les boîtes pour cette durée-là, avec le remboursement direct pour le renouvellement. Dans le projet discuté au niveau de Vidis, le médecin prescripteur indique la date à laquelle il a prescrit, une date de fin de traitement ou celle à laquelle il veut revoir le patient et, entre les deux, le pharmacien peut délivrer le nombre de boîtes permettant d'atteindre la prochaine visite ". Le deuxième axe fort aux yeux de l'APB est celui de l'aide au dépistage précoce des pathologies chroniques en officine. Différents projets pilotes comme TakingCare ou Chronilux pour le dépistage du diabète ont déjà montré leur intérêt. Ou encore l'accès à des Trods en pharmacies qui permettent de référer beaucoup plus vite vers le médecin généraliste. Le rôle des pharmaciens dans l'automédication responsable a fait l'objet de la campagne " À ma santé " qui vient de se terminer. C'est aussi un des éléments de réflexion signalés aux partis politiques : " L'automédication est positive si elle est bien menée. En effet, l'accompagnement de l'analyse de la plainte, la dispensation de médicaments adéquats et l'encodage dans le dossier pharmaceutique partagé, sont des clés pour garantir une bonne santé. La vérification de la pharmacie familiale est un service que le pharmacien rend déjà et qu'il pourrait rendre de façon plus structurée dans le futur ", ajoute-t-il en insistant sur l'encodage dans le dossier pharmaceutique du patient : " C'est essentiel parce qu'à terme, on va arriver au schéma de médication multidisciplinaire où l'automédication aura sa place ". Encore faut-il que le pharmacien pose les questions permettant cette automédication responsable : " Prochainement, on va proposer un trajet de formation où, à partir des classes pharmacologiques fréquemment délivrées en pharmacie, on insiste sur la nécessité de questionnement et de soins pharmaceutiques de base de qualité, avec un test d'évaluation à la clé. Ceci dans le cadre du processus de qualité pour permettre aux pharmaciens de s'améliorer ". Dans le même ordre d'idée, l'APB planche avec les universités sur la modification de l'arrêté royal 'formation continue' : " La notion de qualité et de compétences au comptoir est quelque chose d'essentiel pour l'avenir de la profession et on veut intégrer la formation continue dans un développement professionnel continu. Nous ferons des propositions concrètes au prochain ministre de la Santé pour réformer cet AR ". Dans l'axe bon usage des médicaments et suivi des patients chroniques, l'étude Simenon a démontré l'impact positif que les pharmaciens pouvaient avoir dans la détection des problèmes liés aux médicaments et dans la révision médicamenteuse. " On a présenté ce projet dans le budget Inami 2020-2021, avec le soutien des mutuelles. Le prochain service qui pourrait être remboursé en pharmacie tournerait donc plutôt autour de la polymédication. Si on a le budget, cela pourrait se faire rapidement en 2021 ", avance Alain Chaspierre. Un autre projet, porté cette fois avec les médecins, devrait également se retrouver sur la table du futur ministre de la Santé, pour la mise en oeuvre des recommandations Come-On dans les maisons de repos et de soins. Les pharmaciens sont très bien placés pour évaluer l'adhésion thérapeutique d'un patient. " Une étude australienne a mesuré l'impact économique d'un service tel que l'entretien avec le patient pour un nouveau traitement et ils ont évalué à 1,9 milliard les économies annuelles. Nous voulons signifier aux autorités qu'il y a des stratégies qui permettent de faire des économies majeures mais qu'il faut oser investir dans ce type d'approche ", souligne-t-il. Le remboursement d'un plan de sevrage des benzodiazépines en préparation magistrale est aussi dans les cartons : " Les magistrales permettent de diminuer les doses progressivement. Actuellement, ce n'est pas remboursé or, dans les stratégies qui visent à diminuer la consommation de benzodiazépines, on estime que c'est une bonne approche, rapide et facile à mettre en oeuvre ". Dans le contexte de la relation de soins entre la première et la deuxième ligne, le pharmacien de référence est central pour établir le schéma de médication. " Un groupe de travail a démarré au SPF Santé publique pour permettre une bonne collaboration entre les pharmaciens de la première et de la deuxième ligne, à l'entrée de l'hôpital (en Flandre, projet 'Groene enveloppe') et à la sortie. L'idée est d'avoir un échange transmural et bidirectionnel des schémas de médication ". A ce sujet, Alain Chaspierre rappelle que le 'Pharmaceutical Care Data Hub' (PCDH), le serveur qui alimente le dossier pharmaceutique partagé, est en développement. A l'avenir, les prestataires de soins hospitaliers devraient pouvoir s'y connecter pour consulter les schémas de médication établis par les pharmaciens de référence. Le projet 'éducation thérapeutique à la sortie de l'hôpital' est aussi soumis au niveau politique. " Cela doit se faire en bonne intelligence entre les pharmaciens cliniciens et ceux de ville. Le pharmacien clinicien génère un schéma de médication à la sortie de l'hôpital auquel le pharmacien de référence pourrait avoir directement accès. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas et nous devons faire nous-mêmes le tri entre anciens et nouveaux médicaments. De plus, on voit que quelques semaines après la sortie de l'hôpital beaucoup de gens ont tendance à revenir à leur ancien traitement. Voilà pourquoi il faut une éducation thérapeutique ". Pour l'APB, c'est le pharmacien de référence qui doit prester l'ensemble des services futurs en pharmacie : " C'est lui qui accompagne le bon usage des médicaments chroniques, qui veille à générer un schéma de médication et si un jour, on doit réaliser la révision de médication, ce sera aussi dans ses attributions ", estime Alain Chaspierre. Sur le front du coronavirus, l'APB est engagée dans les discussions pour la constitution d'un stock stratégique pour les officines et sur le testing en pharmacie. " L'interdiction des autotests (voir p 7) est tombée le 19 septembre. Ils sont facilement réalisables en officine mais il faut un cadre spécifique " , conclut-il.