Le neurologue Pierre Lemarquis nous invite à visiter son musée imaginaire et à suivre les prescriptions des docteurs Matisse, Dürer, Beuys, Saint Phalle and co pour conserver ou recouvrer la santé.
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"Sans créativité, la condition humaine ne serait faite que de l'angoisse du vide et du désespoir de ne pas vivre". C'est en ces termes que Boris Cyrulnik explique la nécessité vitale de l'art, dans la préface qu'il signe pour L'Art qui guérit. "Les artistes sont nos porte-parole, nos maîtres d'oeuvre, nos artisans peintres, musiciens, jardiniers ou couturières. Ils font ce travail consistant à métamorphoser de la souffrance en oeuvre d'art, du manque en désir, de l'horreur en merveille. Et nous, spectateurs, nous sommes modifiés par leur artisanat parce que nous ne voyons plus les choses comme avant". L'ouvrage du neurologue Pierre Lemarquis se base notamment sur le rapport de l'OMS qui, en 2019, confirme que l'art peut être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale et souhaite que les projets associant médecine et arts se multiplient. Musique, arts de la scène, arts visuels, littérature, culture en général apportent en effet une aide psychologique, mais aussi physiologique, sociale et comportementale, en procurant une sensation de bien-être. "Ils activent les sens, stimulent l'imagination, les émotions et les fonctions intellectuelles, améliorent les interactions sociales et pour certains, l'activité physique. Ils permettent d'envisager la santé et le bien-être dans un contexte sociétal et communautaire élargi et proposent des solutions là où la pratique médicale classique n'a pu apporter de réponse efficace", précise l'auteur qui ajoute que "les arts constituent un complément aux soins habituels, dont ils améliorent l'efficacité. Ils diminuent les effets secondaires des anticancéreux, limitent l'anxiété aux urgences et s'avèrent parfois plus probants que les traitements usuels, par exemple dans la maladie d'Alzheimer...". "L'art sculpte notre cerveau en modifiant son fonctionnement, renforçant les circuits appropriés de cellules nerveuses pour nous permettre d'admirer ou de créer une oeuvre, il le caresse également en stimulant le système du plaisir. Avec les neurones miroirs, nous nous adaptons à l'oeuvre avec laquelle nous interagissons et à laquelle, dans une certaine mesure, nous nous identifions, cependant que grâce à un circuit connecté aux émotions et au système du plaisir, nous finissons par la ressentir de l'intérieur: c'est ce qu'on appelle l'empathie esthétique". "Tout se passe comme si l'esprit du créateur de l'oeuvre entrait en nous et s'y incarnait, le transformant, nous métamorphosant. L'oeuvre peut donc constituer un tuteur de résilience, nous prendre par la main et nous guérir d'un traumatisme en élargissant notre point de vue, en nous faisant sortir de notre cage", décrypte-t-il. Des peintures rupestres, en passant par Dürer qui dessine sa souffrance, Tapies qui peint des tableaux 'thérapeutiques', Gustave Courbet qui fait découvrir l'origine du monde, Nicki de Saint Phalle, sauvée d'une grave dépression par la découverte des activités artistiques, Josef Beuys parlant d'Auschwitz... Le beau livre de Pierre Lemarquis se révèle être une lecture salutaire en ces temps où une partie des activités culturelles fait cruellement défaut... Écrit pendant le confinement, il nous invite à une visite imaginaire d'une exposition sur l'art 'qui guérit'.