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Liberté de choix et d'action, retour vers le naturel et donc rejet du chimique ou se réapproprier la santé, tels sont les objectifs recherchés par nos contemporains lorsqu'ils font appel aux compléments alimentaires.Dans l'esprit de beaucoup, les substances " naturelles " ne peuvent faire que du bien. Au pire, cela ne fera pas de mal. De nombreux consommateurs associent le mot " naturel " à " sans danger ". Une confusion qui peut parfois s'avérer catastrophique. Des cas d'hépatites aiguës ont été diagnostiqués suite à la prise de gélules pour désintoxiquer le foie. Les excès de zinc engendrent des tumeurs et le fer, cet oxydant bien connu, accélère le vieillissement. Rares sont les patients qui consultent à ce sujet un généraliste malgré les recommandations de nombreux experts.La moitié des compléments alimentaires est vendue en pharmacie. Pour certains spécialistes, cela entretient un flou entre le médicament et le complément alimentaire. Un peu comme si ces compléments étaient des médicaments qui ne nécessitaient pas de prescription médicale. C'est une excellente stratégie marketing ! Les prix de ces denrées sont similaires ou plus chers que les médicaments, sauf qu'elles ne sont pas remboursées. Ce qui fait dire à certains sceptiques que ces produits ont un excellent effet minceur sur... le portefeuille.Une liste très sélective de composants qui ont un réel impact bénéfique sur la santé a été établie par l'Europe en 2012. Elle a fait le ménage. Chaque mot compte désormais. L'industriel doit utiliser des allégations légales. On pourra par exemple dire que le calcium est bénéfique pour les os mais pas que le thé vert est bon pour la pression sanguine. Sur 44.000 dossiers déposés à l'époque, seuls 4.000 ont été retenus.Il y a peu, France 5 a consacré une émission sur le sujet et s'est rendue avec une caméra discrète dans une grande kermesse du complément alimentaire. Depuis que la Commission européenne a légiféré sur ce qu'il était permis d'écrire sur les emballages, certaines foires se sont transformées en spectacles forains. Des grand-messes où des commerciaux vantent les bienfaits que les producteurs ne peuvent plus mettre sur leurs étiquettes. L'huile de coco serait, d'après certains vendeurs, susceptible de soigner l'Alzheimer. D'autres affirment que la griffe du chat, l'écorce interne d'une liane amazonienne, soignerait tous les cancers sans exception. Mêmes effets présumés pour un champignon : le chaga sibérien. Des lieux où une parole aux allures scientifiques se libère dans une surenchère exotique.La législation européenne est critiquée par d'aucuns. Me Augustin de Livois, président de l'Institut pour la protection de la santé naturelle en France, estime que " les petits producteurs ont été grugés face aux gros alors qu'ils représentent plus de la moitié du marché " et de rajouter : " comment vendre des produits si les professionnels ne peuvent plus communiquer sur leurs vertus ? ". Exit le coquelicot, la prêle et d'autres plantes déclarées peu intéressantes. Et un producteur de la Loire d'argumenter dans un reportage : " C'est la tradition qui a fait la science et non le contraire. "" J'ai rarement vu autant d'attaques contre un règlement par rapport à ces compléments alimentaires ", faisait savoir en 2013 Michèle Rivasi, députée européenne (Europe Ecologie-les Verts). Celle-la même qui soutient les anti vaccins à Bruxelles. La Cour européenne a été saisie. Pour elle, " ne pas amender la décision européenne va engendrer une frustration car les Européens continueront à consommer en fonction de leurs habitudes et les produits ne seront pas contrôlés ".Pour contrecarrer l'obligation légale, certains producteurs relayent les allégations interdites par l'Europe sur internet. C'est d'ailleurs là que des charlatans extra continentaux opèrent sans contraintes. Certains compléments peuvent être contaminés et dangereux pour la santé. D'autres ne contiennent tout simplement aucun principe actif.Si l'Europe, et la Belgique en particulier, propose une législation drastique, il n'en va pas de même sur tous les continents. D'autres pays, comme la Chine, s'autorisent " quelques libertés. "Le cas le plus marquant est certainement lié à la prise de ginseng ou de konjac, utilisés pour lutter contre le cholestérol et la perte de poids. Des cas d'occlusion intestinale ont été révélés suite à des problèmes de dosage.Des bureaux d'analyse se sont penchés sur les compléments alimentaires et les résultats furent à la hauteur des craintes : des médicaments non autorisés avaient été placés dans certains compléments.En 2012, plus de la moitié des produits amaigrissant contenaient de la sibutramine sans qu'elle ne soit mentionnée. Les amaigrissants et les aphrodisiaques seraient les produits les plus dangereux.Sur 165 échantillons prélevés alors par un centre d'étude français, 117 étaient frauduleux et contenaient près de 40 analogues du sildénafil. Les laboratoires sont souvent démunis face aux escrocs.En 2019, il serait plus rentable de vendre des compléments alimentaires adultérés sur internet que de vendre des stupéfiants. Les fraudeurs sont audacieux. Dans certaines gélules contrôlées, le contenu était tout à fait légal mais le médicament interdit se retrouvait dans... la capsule. Des nouvelles molécules apparaissent sur le marché pour tromper les laboratoires.