L'intégration des pharmacies hospitalières dans les réseaux ouvre de nouvelles perspectives, mais elle comporte aussi certains risques. Elle va par exemple inévitablement déboucher sur une organisation plus complexe exigeant davantage de concertation et de gestion, sans compter qu'une centralisation physique peut être à l'origine de coûts accrus pour le transport des médicaments.
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Le rapport sur l'avenir des pharmacies dans les réseaux hospitaliers épingle une série d'opportunités mais met aussi en garde contre un excès d'optimisme, soulignant qu'il faudra évaluer soigneusement le rapport entre les coûts et les services.La question de savoir quels aspects vont être centralisés et lesquels seront encore organisés sur chaque site est essentielle, puisqu'il faut pouvoir disposer des médicaments nécessaires en temps utile et à l'endroit voulu. Les auteurs du rapport soulignent que l'agrandissement d'échelle renforce aussi la nécessité d'une bonne maîtrise des risques, tant il est vrai que la moindre rupture de stock aura forcément un impact plus important. Un formulaire plus étendu accroît aussi le risque d'erreurs. En outre, le nombre de fournisseurs capables de répondre à la demande plus importante risque d'être plus limité.Il est également important d'avoir conscience que les avantages de la centralisation ne seront perceptibles qu'à moyen ou long terme, alors qu'elle nécessitera à brève échéance des investissements conséquents en temps et en argent pour uniformiser les processus, optimiser les systèmes informatiques, etc. Il est possible que la collaboration permette de comprimer les frais de personnel, mais ce bénéfice pourrait être réduit à néant par le passif social, puisque ces travailleurs ne pourront pas tous être réaffectés ailleurs.En tout état de cause, il n'existe pas de solution unique convenant à toutes les situations. À court terme, l'échelle idéale de la pharmacie hospitalière centralisée dépendra d'un certain nombre de facteurs, à savoir son statut actuel, la distance/le temps de trajet qui sépare les différents partenaires, etc. Chacun des sites doit en tout cas pouvoir faire appel à tout moment à l'expertise nécessaire en matière de médicaments.Möbius et Zorgnet-Icuro soulignent que l'intégration des pharmacies au sein des réseaux ne peut être couronnée de succès que si les autorités mettent en place un cadre adéquat. Il faudra notamment lever un certain nombre d'obstacles qui existent dans la législation actuelle ou dans la manière dont elle est appliquée. Un exemple : pour être agréée, une officine hospitalière doit satisfaire à un certain nombre de " normes architectoniques " et disposer d'une superficie suffisante pour exercer ses activités de base - production et préparation de médicaments stériles et non stériles, distribution individualisée, analyse et stockage, documentation et information, administration et archivage. Dans la pratique, on part également du principe que le pharmacien hospitalier est responsable de la totalité du processus, de l'achat du médicament à la délivrance individuelle aux patients au sein de l'hôpital.Cette législation se prête toutefois mal à la délivrance de médicaments à l'échelon du réseau, observent les auteurs du rapport, soulignant par ailleurs que le projet d'AR (voir cadre) limite les accords de collaboration aux magistrales, à la production de préparations unitaires et à la stérilisation des dispositifs médicaux.À l'heure actuelle, chaque pharmacien titulaire est personnellement responsable de la gestion de la pharmacie hospitalière ; s'il y a plus d'un titulaire, la responsabilité est partagée. L'Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) estime toutefois que les responsabilités auxquelles ces professionnels sont soumis sont trop lourdes en cas de collaboration au niveau du réseau. Dans un tel cadre, il n'est ainsi " ni souhaitable ni réalisable " qu'ils assument la délivrance des médicaments aux patients, parce que les distances entre les différents hôpitaux compliquent beaucoup le contrôle des processus. L'ampleur de la responsabilité finale du pharmacien hospitalier titulaire sur l'ensemble du processus de distribution des médicaments est en outre excessive. En vertu de la législation actuelle, il n'est par ailleurs habilité à délivrer des spécialités pharmaceutiques qu'aux patients qui se trouvent dans l'hôpital où il travaille.Bref, l'AFMPS craint que la qualité ne puisse pas toujours être garantie. En l'absence d'un cadre juridique approprié, il est donc impossible de définir les rôles et responsabilités de la pharmacie hospitalière à l'intérieur du réseau. En outre, il n'existe pas encore non plus d'organes de concertation tels qu'un Comité Médico-Pharmaceutique ou un Comité Matériel Médical spécifiques aux réseaux.À l'heure actuelle, la loi ne permet pas aux hôpitaux d'acheter, de réceptionner ou de distribuer des médicaments pour autrui. Ces activités sont en effet réservées aux grossistes, et une pharmacie hospitalière ne peut pas être à la fois officine et grossiste. Elles sont certes possibles dans un hôpital fusionné dont les différents sites relèvent d'une structure juridique unique... mais dans le cas qui nous occupe, le réseau et les différents hôpitaux qui en font partie conservent des structures juridiques distinctes, ce qui constitue un obstacle à l'organisation d'une délivrance intégrée des médicaments à l'échelon du réseau.Il serait également indiqué d'élargir le contenu légal des armoires d'urgence présentes dans les départements hospitaliers, ce qui permettrait de centraliser la distribution des médicaments là où c'est possible tout en restant au plus près de leur lieu d'utilisation.