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C'est avec fierté que le docteur Paul Stoffels, chief scientific officer (CSO) chez Johnson & Johnson, nous explique l'aventure qui mène à l'élaboration du vaccin contre le Covid-19. " Janssen Pharmaceutica travaille depuis 30 ans dans le domaine de la virologie. Par le passé, nous produisions, dans la tradition du docteur Paul, une molécule chimique très puissante, dans laquelle nous essayions de stopper le virus. Cela marchait bien pour la thérapie, mais ça restait complexe et difficile à des fins de prévention ", explique-t-il le Dr Stoffels. Il y a une décennie, J&J a racheté l'entreprise néerlandaise Crucell. " Crucell travaillait depuis 10 ans déjà avec des plateformes qui permettent de fabriquer des vaccins et des anticorps. C'est sur ces plateformes que nous avons commencé à travailler sur le HIV, le RSV, Ebola, et le Zika, ... ", se souvient le CSO. " Les recherches sur Ebola nous ont beaucoup appris, comme la manière d'intégrer un virus au vecteur de manière très efficace. Il s'agissait d'un virus du refroidissement, dont nous avons fait un vecteur incapable de réplication, c'est-à-dire qu'il ne provoque plus d'infection et ne se reproduit plus. "Le vecteur sert à injecter du matériel génétique (un morceau d'Ebola, de HIV ou de Covid) comme vaccin. Ce matériel génétique est activé dans les cellules produisant la protéine qui, au final, donne l'immunité. " A quatre reprises, la plateforme immunitaire basée sur ce vecteur a prouvé son efficacité sur un modèle animal. Puis, les études cliniques à grande échelle ont eu lieu ", poursuit Paul Stoffels. " A travers le monde, 65.000 personnes se sont vues injecter différents vaccins, tous basés sur la même plateforme. Le vecteur provoque une réaction immunitaire très forte, de sorte qu'un seul shot, d'un seul vaccin, suffise. "Ebola et le Zika ont également appris au chercheurs comment procéder rapidement. " En 2014, en collaboration avec Peter Piot, nous avons mis sur pied un grand projet Ebola en Sierra Leone. En six mois, nous sommes passés du labo à l'étude clinique. Cette dernière étape est maintenant finie et nous nous espérons que l'EMA approuvera le vaccin contre Ebola cet été. " Entretemps, un programme Ebola a également vu le jour à Kivu, au Congo et au Rwanda, auprès d'une population à haut risque, respectivement d'un demi-million et de 200.000 personnes. " Même chose pour le virus du Zika en Amérique du Sud, avec lequel nous avons également appris à travailler dans l'urgence : en douze mois, nous sommes passés d'un virus aux recherches cliniques sur des humains. "Évidemment, l'échelle n'a rien à voir. Les deux millions de vaccins contre Ebola (aucun test n'a lieu pour le Zika, puisque la maladie s'était déjà volatilisée) ne sont rien face à l'ampleur de la demande en termes de vaccins contre le Covid. " Cette fois, nous devons trouver un vaccin encore plus rapidement ", assène le Dr Stoffels. " En outre, la production doit être activée à l'extrême. C'est pourquoi nous nous lançons déjà dans la bataille. Mi-janvier, les scientifiques chinois ont publié le matériel génétique qui nous a permis de réaliser des séquences dont nous savions qu'elles fonctionneraient comme vaccin. Qui plus est, nous sommes retombés sur une étude sur le SARS de 15 ans auparavant. Nous savions que la protéine Spike sur le coronavirus était une cible parfaite, contre laquelle il était possible de produire un anticorps. Et nous étions au courant que c'était également utile pour générer une réaction immunitaire qui, au final, grâce au vaccin, permettrait de fabriquer des anticorps. "Douze constructions d'ADN différentes sont nées de la Spike du Covid et il a fallu déterminer laquelle était la plus active pour générer de l'immunité. " En parallèle, nous avons cherché quelles constructions produisaient le mieux. J&J dispose aujourd'hui d'une lignée cellulaire immortelle construite au cours des années. La capacité de production de vaccins basés sur cette lignée cellulaire est spectaculaire. Entre janvier et fin mars 2020, les constructions et la productivité ont été testés. Après sélection, les chercheurs ont choisi le vaccin le plus adapté à la fabrication, aux tests précliniques et, dès le 1er septembre, aux études cliniques à grande échelle. "La lignée cellulaire de l'usine J&J de Leiden permettra de produire 300 millions de vaccins par an. " 300 millions pourront également être produits sur un grand site américain. Le but est, d'ici 2021, de mettre un milliard de vaccins à disposition. " La proposition s'étend aussi à l'Asie et à l'Europe. " Aux USA et en Europe, nous travaillons en étroite collaboration avec les contract manufacturing organisations (CMO) aux capacités suffisantes ", ajoute-t-il. Des accords sont passés avec d'autres entreprises pharmaceutiques pour partager les capacités, car même un milliard de vaccins ne suffiront pas, bien évidemment. " Il est important que plusieurs vaccins soient en circulation. Sanofi, GSK, Pfizer, etc. sont également sur le coup. Plus de 150 vaccins sont actuellement à l'étude dans des centres de recherche du monde entier, mais seuls certains groupes disposent d'usines de biotechnologie de haut niveau ayant la capacité suffisante. Construire une telle fabrique prend quatre ans. Celui qui part de rien devra donc attendre cinq ans minimum pour atteindre un certain niveau de production de vaccins. "Selon le CSO, J&J dispose d'une avance de huit ans. " Nous analysons aujourd'hui notre capacité de production à travers le monde et les moyens de les améliorer en Asie. Le gros problème, c'est aussi que notre personnel hautement qualifié en matière de technologies de pointe peut difficilement circuler en ces temps de crise sanitaire. Difficile donc de se rendre sur place pour apprendre aux gens à se connaître, donner des formations, etc. "Afin d'accélérer la recherche contre le Covid, J&J a décidé d'investir un milliard de dollars fin mai, avec un apport de 450 millions du gouvernement américain. " Bien entendu, nous entendons récupérer nos frais, mais il ne s'agit pas d'un business plan. Nous ne faisons pas ça pour le profit. J&J existe depuis 130 ans, Janssen depuis 70 ans. Nous avons collaboré pendant tout ce temps partout dans le monde, avec les professionnels de la santé et les hôpitaux.... C'est en tant qu'entreprise numéro un de la santé à travers le monde que nous offrons notre capacité de production. C'est notre apport à la société. "La vitesse étant ici un facteur clé, l'entreprise pharmaceutique travaille aujourd'hui avec l'Europe, la FDA, les états et les systèmes de soins de santé... " En créant des capacités supplémentaires dans toutes les régions du monde, nous veillons à ce qu'il y ait assez de vaccins pour tout le monde d'ici l'année prochaine. Nous entendons lutter contre le vaccinationalisme. "Naturellement, cela ne dispense pas les autorités sanitaires de mettre elles-mêmes une stratégie au point. Selon le Dr Stoffels, la priorité doit de toute façon être donnée aux professionnels de la santé et aux personnes âgées.