Élargie à l'automne dernier, la piscine de Roubaix passe du bain culturel... au grand bassin
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Ouvert en 2001, le musée de la piscine de Roubaix était déjà une oeuvre en soi, une sculpture art déco conçue par Bourdelle, s'il avait été architecte. Dans le bassin, autour de l'onde, il y a toujours cette forêt de sculptures, un art qui constituait déjà la force du Musée national des Beaux-Arts de la ville, fermé en 1940.S'y sont ajoutées quelques autres pièces qu'entourent toujours au rez-de-chaussée d'une part des tableaux de Redon et Vlaminck notamment, des céramiques de Niki de Saint Phalle, Picasso bien sûr, Lalique et Gallé. Des Belges aussi parfois comme ce paysage de Courtens, intitulé Une belle matinée de novembre. Une partie des cabines est toujours consacrée aux expos temporaires actuellement l'Algérie, notamment Fenêtre sur l'Algérie, photographies de Naime Merabet.Un raccrochage a été effectué dans la partie " ancienne ", elle date de 2001, des collections permanentes qui résument les tendances artistiques du 19e et moderne franco-belge, mais aussi locale. Ainsi Rémy Cogghe, Mouscronnois émigré très tôt à Roubaix, montre un art du portrait et un naturalisme à la Émile Claus ; Jean-Joseph Weerts est un autre Roubaisien à avoir des racines belges. Souvent d'ailleurs dans un accrochage très 19e volontairement encombré comme à l'époque, les locaux trahissent des influences d'outre-Quiévrain comme Félix.Ziem qui décrit Venise comme le ferait Ensor dans ses marines. D'autres artistes sont tous simplement belges et aussi peu connus comme le Montois Frans Depooter et le Tournaisien André Bosquet qui évoquent dans leurs portraits un expressionnisme flamand à l'image du Bruxellois Van Den Eeckhoudt.D'autres peintres locaux et influencés par ce style, comme Louis Charles Spriet, peuplent les collections au milieu de sculptures de Rodin, des toiles pompières de Gérôme, de Van Dongen, Maurice Denis, Duffy ou Tamara de Lempicka présente avec une superbe Communiante aux tendances cubistes.Un ré-assemblage également a eu lieu au niveau de la sculpture animalière du 20e siècle ou Pompon se taille... la part du lion, avec entre autres un énorme et somptueux grand cerf légèrement art déco.Une vraie nouveauté cette fois est la section consacrée au groupe de Roubaix, dans une aile conçue comme lors de l'inauguration du musée par l'architecte Philippon, ce qui permet de conserver une cohérence discrète à l'ensemble des diverses extensions du musée. La figure centrale de ce groupement est bien sûr Eugène Leroy, sa toile épaisse et ses paysages et ombres fantomatiques que baignent dans une lumière du Nord. Une autre est Jean Roulland qui est à la fois sculpteur évolutif passant d'un style Giacometti à un oeuvre plus conceptuel voire une oeuvre doloriste et morbide à la Berlinde de Bruyckere dans son Christ oublié. Il est aussi peintre, plutôt convaincant dans un style Cobra à la Corneille.Autre changement quasi cosmétique dans la piscine proprement dite, l'ajout derrière la sculpture de lion qui alimente toujours le bassin en eau, d'un nouveau mur consacré à la céramique contemporaine.Par contre, une nouvelle aile située dans l'ancien collège a été ouverte et est dévolue à des ateliers éducatifs de céramiques et de textiles. L'étage du bassin est d'ailleurs toujours consacré principalement à ces oeuvres en cette matière principalement qui fit la richesse de la ville, même si l'une des parties est réservée à l'une des cinq expos temporaires qui ont pour thème actuellement le printemps algérien, que le musée est désormais à même de présenter.Car les extensions nouvelles représentent plus de 2.300 mètres carrés avec, comme ajout le plus spectaculaire, l'espace qui jouxte celui consacré aux expos principales (l'Algérie de Gustave Guillaumet pour l'instant). Une partie qui se veut permanente, consacrée dans une première salle à l'histoire de Roubaix au travers de sculptures et peintures notamment de Weerts.Le reste est dévolu à la forme artistique privilégiée par le musée originel, une fois encore la sculpture.Les salles sont ici plus aériennes, moins intimes, se consacrent d'abord aux monuments publics et montrent des projets notamment de Bourdelle pour une statue équestre argentine ou de Martel avec un statue de Dame à la lyre Art déco qui ressemble à du de Lempicka en 3D. L'image du travail est l'occasion de revoir une sculpture La douleur et surtout, plus rare, une peinture ( Le mineur) de Constantin Meunier ou un Semeur d'un classicisme assumé de Jean-Baptise Germain.La partie consacrée à l'Exposition des Arts décoratifs de Paris en 1925 est l'occasion de se replonger dans l'univers de Maillol, Lipchitz (une Femme drapée cubiste). Quant à celle de 37, si elle montre notamment un bas-relief L'eau et la terre signé Henri Laurens, elle est surtout l'occasion d'admirer une spectaculaire et énorme Maternité signée Georges Minne et qui rappelle pourtant Zadkine.La section Portraits sculptés permet de découvrir des céramiques de Picasso et de son compère Derain, des sculptures expressionnistes, oeuvres de Waroquier, africaines de Miklos. Ce panorama sculptural de la première moitié du siècle dernier se termine sur la reconstitution spectaculaire et à l'identique de l'atelier d'Henri Bouchard. Un sulfureux présent dans tous les chapitres antérieurs de ce nouvel espace, très " travail-famille-patrie " : ce sculpteur fut un collaborateur actif vite revenu à la vie normale après la guerre. Il participa au fameux voyage des artistes en Allemagne, à la mise sur pied de l'expo Arno Breker (sculpteur favori d'Hitler) à Paris en 41.Son style trahit d'ailleurs même dans sa description du travail une tendance corporelle antique... à la Leni Riefenstahl.Moins sujet à polémique, sur base de ses outils et moulages, la pièce suivante aborde le thème de la technique et des matières, complété par des écrans tactiles.Deux expos temporaires viennent s'ajouter à cette nouvelle aire, une petite consacrée actuellement à la figure d'Abdel Abdelkader dans l'art, l'autre à l'ancien directeur de l'école des Beaux-Arts d'Oran, Claude Vicente.Bref : dans sa nouvelle configuration, la piscine ne constitue plus un bain de culture, mas carrément un bassin, qui plus est d'une grande profondeur.