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Psilocybine, MDMA, LSD, eskétamine... Depuis les années 2000, la recherche sur les psychédéliques a repris afin d'en évaluer l'efficacité dans diverses indications, notamment psychiatriques. L'essai conduit au CHU Brugmann s'inscrit dans cette dynamique. " Le choix du traitement par substances psychédéliques est lié à la nécessité de développer l'arsenal thérapeutique pour aider les personnes souffrant d'un trouble de l'usage de l'alcool sévère ", indique la Dre Catherine Hanak, cheffe de clinique et addictologue. " Il existe des traitements médicamenteux ou psychothérapeutiques mais ils ne sont pas toujours suffisamment efficaces face au risque de rechute. L'immense difficulté, c'est de tenir les résolutions de contrôle ou d'abstinence dans la durée, parce que les mécanismes sous-jacents à l'addiction restent présents et peuvent facilement se réactiver suite à des stress personnels, sociaux ou familiaux. "Le service d'addictologie du CHU Brugmann a une longue tradition de recherche clinique. " Ces dernières années, on a testé une série de stratégies de prévention des rechutes dans les troubles de l'usage de l'alcool: neurofeedback, stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS), médicaments (baclofène, acamprosate...) et méditation pleine conscience. Tester la médecine psychédélique est en droite ligne de ces recherches ", estime la psychiatre. L'étude conduite dans le cadre de sa thèse de doctorat par Laëtitia Vanderijst, psychologue et lauréate d'une bourse FNRS ULB, se base entre autres sur les résultats prometteurs d'une étude américaine[1] menée auprès de 95 participants souffrant d'un trouble de l'usage de l'alcool qui ont suivi une psychothérapie assistée par la psilocybine. Pourquoi la psilocybine plutôt que le LSD? " Le LSD a une durée d'action plus longue (12-15 h) que la psilocybine (5-7 h). Par ailleurs, le stigma associé au LSD n'est pas présent avec la psilocybine. Il est donc plus facile de soumettre au comité d'éthique des protocoles avec cette substance ", répond la chercheuse. Après plus d'un an de démarches administratives (comité d'éthique, AFMPS, accréditation de la pharmacie...), l'équipe de l'unité d'alcoologie a démarré ses travaux en mars 2024. Dans cette étude contrôlée randomisée en double aveugle contre placebo (RCT), prévue pour une durée de deux ans, la thérapie assistée par la psilocybine est intégrée dans une cure de sevrage hospitalière de quatre semaines. L'équipe teste l'efficacité d'une haute dose de psilocybine (30 mg) versus une basse dose (groupe placebo). " On utilise la psilocybine extraite des champignons hallucinogènes et conditionnée sous forme de gélule par une entreprise canadienne. Notre pharmacie a dû obtenir des autorisations pour importer et stocker la psilocybine, considérée comme un stupéfiant sans usage thérapeutique connu actuellement ", précise la doctorante. La thérapie se déroule en trois temps. Elle débute par des séances de préparation (sans substance) où le participant fait connaissance avec les deux thérapeutes qui vont l'accompagner tout au long du processus et tenter de construire une alliance thérapeutique. Ils s'informent sur l'histoire de vie du patient et son histoire avec l'alcool, l'informent sur les effets possibles du psychédélique... La séance d'administration de la psilocybine se déroule dans une chambre aménagée selon les standards de la médecine psychédélique (musique, couleurs, décoration, ambiance relaxante). Les thérapeutes restent au chevet du patient pendant toute l'expérience (qui dure cinq à sept heures), pour s'assurer de son bien-être physique et psychologique. " Ils le soutiennent en cas de montée d'anxiété, de panique, sans nécessairement interagir avec lui. Cela demande beaucoup de finesse clinique pour manier la non intervention et l'intervention, parce que les participants sont dans un état de grande vulnérabilité pendant la séance ", souligne Laëtitia Vanderijst. Enfin, la thérapie se termine par des séances d'intégration sans substance: " Le but est d'aider la personne à faire sens de ce qu'elle a vécu et à mettre en place des plans d'actions de changements comportementaux concrets. "L'équipe envisage de recruter 62 patients (de 21 à 64 ans). " Pour l'instant, cinq personnes ont reçu le traitement (haute ou basse dose) et ont complété la visite relative aux critères cliniques primaires, un mois après la sortie de cure. Le critère clinique principal est de voir s'il y a un changement de consommation d'alcool, si on a un impact sur la rechute dans le mois suivant la sortie de cure. On les suit six mois pour avoir une idée de l'efficacité du traitement sur le moyen terme. D'autres critères, tels que la symptomatologie dépressive et anxieuse qui peut être comorbide en cas de trouble lié à l'usage d'alcool, ou l'activité cérébrale évaluée par un EEG réalisé avant et après l'expérience, sont aussi évalués. "L'équipe du CHU Brugmann recrute encore des patients. Les critères de sélection et les contre-indications sont nombreuses (troubles bipolaire et psychotiques, antécédents d'épilepsie, d'AVC ou delirium tremens, PTSD récent, risque suicidaire, HTA non corrigée...). Un questionnaire de présélection est disponible sur demande (laetitia.vanderijst@chu-brugmann.be). À côté de l'aspect scientifique, cette étude entend également faciliter le développement de la thérapie assistée par les psychédéliques en Belgique. " Le CHU Brugmann espère se placer comme un centre de référence. Par ailleurs, un nouveau protocole de thérapie assistée par la psilocybine pour le trouble lié à l'usage de la cocaïne devrait bientôt commencer ", conclut Laëtitia Vanderijst.